Dans le cadre d’une action civile en responsabilité extracontractuelle, la réparation due à la victime en cas de construction non conforme à l’autorisation d’urbanisme délivrée est indépendante de son coût pour le responsable du dommage.
Dans cette affaire, le propriétaire d’un terrain a fait bâtir une maison après avoir obtenu des permis de construire en 2007 et 2008 a priori non contestés.
En 2010, un voisin a, dans un premier temps, saisi le juge des référés d’une demande d’expertise aux fins de vérifier la hauteur du faîtage et de l’égout du toit de la maison construite. L’expert a rendu son rapport le 14 janvier 2011.
Le voisin a alors assigné le propriétaire afin notamment qu’il mette en conformité sa villa, dans le cadre d’une action en responsabilité extracontractuelle fondée sur l’article 1382 (devenu 1240) du code civil. Selon lui, la maison érigée ne respectait ni les règles d’urbanisme, ni les prescriptions des permis de construire et le privait d’une grande partie de sa vue panoramique sur la côte, limitait l’ensoleillement dont il bénéficiait et réduisait la luminosité de l’une des pièces à vivre de sa maison.
Après moults péripéties judiciaires dont deux cassations, la Cour d’appel de Saint-Denis a constaté, dans un arrêt du 17 juin 2022 n° 22-21.132, une hauteur excessive de la construction par rapport aux permis de construire obtenus; les préjudices de vue, d’ensoleillement et de luminosité subis par le voisin, puis le lien de causalité entre la non-conformité de la construction et les préjudices. Elle a ensuite ordonné la démolition partielle de la villa de manière à réduire sa hauteur dans la limite de ce qu’autorisait le dernier permis de construire obtenu ainsi que la réparation d’un préjudice de jouissance.
Le propriétaire condamné s’est alors pourvu en cassation, en soutenant que le coût de la mise en conformité serait exorbitant et que la sanction serait disproportionnée, de sorte que la victime devrait se contenter de simples dommages-intérêts.
Sur le fondement des dispositions de l’article 1240 du code civil , la Cour de cassation précise que la victime doit donc être indemnisée sans perte ni profit.
Elle en déduit que le juge du fond, statuant en matière extracontractuelle, ne peut apprécier la réparation due à la victime au regard du caractère disproportionné de son coût pour le responsable du dommage.
La Cour rappelle ensuite que la demande de démolition ne peut prospérer que si la construction édifiée en violation des prescriptions du permis de construire a causé un préjudice direct au voisin, avant de reconnaître que tel est bien le cas en l’espèce.
Elle confirme donc l’arrêt d’appel et la démolition partielle de la maison, et rejette le pourvoi, clôturant ainsi cette saga judiciaire remontant à 2010.
Cour de cassation 3ème chambre civile, 4 avril 2024, n° 22-21.132, publié au Bulletin