Dans un arrêt du 15 juin 2022, la Cour de cassation confirme qu’en l’absence de conclusion effective de la vente, le mandataire ne peut pas bénéficier d’une indemnité égale au montant de la rémunération prévue au mandat, quand bien même le mandat contiendrait une telle clause pénale. Elle rappelle en outre qu’en l’absence de clause expresse, le mandat d’entremise ne permet pas à l’agent immobilier de se substituer à son mandant pour conclure la vente d’un bien au nom et pour le compte de ce dernier.
Dans cette affaire, un vendeur a confié à un agent immobilier un mandat exclusif de vente d’un immeuble. Alors que l’agent immobilier a indiqué au vendeur avoir trouvé un acquéreur au prix stipulé au mandat, le vendeur a fait part à son mandataire de son souhait de ne plus vendre le bien. L’agent immobilier a alors assigné le vendeur en paiement de l’indemnité compensatrice forfaitaire prévue dans son mandat et dont le montant est égal à la rémunération à laquelle l’agent pouvait prétendre au titre du mandat en cas de réalisation effective de la vente du bien.
Dans l’arrêt susvisé, la Cour de cassation relève tout d’abord que le mandat de l’agent immobilier n’est qu’un mandat d’entremise, qui ne prévoit aucune clause permettant à l’agent « d’engager son mandant pour l’opération envisagée » (i.e. de signer au nom et pour le compte du vendeur un acte translatif de propriété) et, qu’en l’espèce, aucune vente n’a été « effectivement conclue ». Elle en déduit que le mandant peut librement refuser de « réaliser la vente avec une personne qui lui est présentée par son mandataire » sans risquer d’encourir le paiement de dommages et intérêts, quand bien même le mandat comporterait une clause pénale et une clause selon laquelle « le mandant s’engage à signer, au prix, charges et conditions convenues, toute promesse de vente ou compromis avec tout acquéreur présenté par le mandataire, ladite obligation étant effective jusqu’au terme de l’engagement d’une durée de trois mois ».
Par ailleurs, selon la Haute juridiction, la cour d’appel compétente, qui avait condamné le vendeur à payer à l’agent immobilier de l’indemnité compensatrice forfaitaire susvisée alors qu’elle avait elle-même constaté que la vente n’était pas intervenue, a violé les dispositions de l’article 6 I de la loi dite « Hoguet » réglementant notamment l’activité d’agent immobilier, selon lesquelles « aucun bien, effet, valeur, somme d’argent, représentatif d’honoraires […] n’est due […] avant qu’une des opérations visées [à l’article 1 de la loi Hoguet] ait été effectivement conclue et constatée dans un seul acte écrit contenant l’engagement des parties ».
La lecture de l’arrêt peut toutefois laisser penser que le mandant aurait pu être condamné au versement, à titre de dommages-intérêts, d’une indemnité égale au montant de la rémunération prévue par le mandat dans le cas où le mandant aurait conclu la vente « en privant le mandataire de la rémunération à laquelle il aurait pu légitimement prétendre » ou encore si une clause du mandat donnait expressément pouvoir à l’agent de conclure la vente au nom et pour le compte de son mandant.
Cette décision peut-être rapprochée d’autres décisions de la Cour de cassation considérant qu’un mandat, même exclusif, donné à un agent immobilier ne lui confère qu’une mission d’entremise et n’a pas pour objet de le substituer à son mandant pour la réalisation de la vente en l’absence de clause expresse (par exemple Cass, 1ère civ., 5 janvier 1985, n°83-13560 et Cass, 1ère civ., 27 juin 2006, n°04-20.693), et qu’en l’absence de vente effectivement conclue, l’agent immobilier ne peut se prévaloir des dispositions d’une clause pénale en vertu de laquelle le mandant s’engage à indemniser le mandataire en cas de refus de signer toute promesse ou tout compromis, d’une indemnité égale au montant de la rémunération prévue au mandat (Cass, 1er civ., 14 novembre 2018, n°17-14.885). |