Dans son arrêt du 17 février 2023, le Conseil d’Etat applique et précise la méthodologie qu’il a posée dans son avis contentieux du 9 décembre 2022 sur la nécessité de solliciter une dérogation « espèces protégées » pour la réalisation de certains projets.
Pour mémoire, le Conseil d’Etat a, dans un avis contentieux du 9 décembre 2022, précisé le modus operandi des conditions d’application du régime de protection des espèces protégées et de leurs habitats, et plus particulièrement concernant la nécessité ou non de demander une « dérogation espèces protégées » – telle que prévue à l’article L. 411-2 4° du code de l’environnement – pour la réalisation de certains projets (voir notre article relatif à cet avis contentieux).
A ce titre, s’agissant du déclenchement de l’obligation d’avoir à solliciter une dérogation, le Conseil d’Etat a précisé dans cet avis, d’une part, que la nécessité d’obtenir une dérogation doit être examinée dès lors que « des spécimens de l’espèce concernée sont présents dans la zone du projet, sans que l’applicabilité du régime de protection dépende, à ce stade, ni du nombre de ces spécimens, ni de l’état de conservation des espèces protégées présentes » ; D’autre part, le Conseil d’Etat a indiqué que le pétitionnaire doit obtenir une telle dérogation « si le risque que le projet comporte pour les espèces protégées est suffisamment caractérisé ». A ce titre, « les mesures d’évitement et de réduction des atteintes portées aux espèces protégées proposées par le pétitionnaire doivent être prises en compte ».
Au cas présent, le litige portait sur un arrêté du 9 octobre 2014 – délivré par le préfet de Meurthe-et-Moselle au titre de la législation ICPE – autorisant une société à exploiter sept éoliennes et un poste de livraison sur le territoire de la commune de Bréhain-la-Ville. Saisi d’un pourvoi en cassation formé par une association de défense de l’environnement, une société mixte immobilière et plusieurs personnes physiques, le Conseil d’Etat vient méthodiquement appliquer les différentes étapes de la méthodologie issue de cet avis contentieux
En outre, cette décision du Conseil d’Etat fournit par l’exemple une précision intéressante sur les contours de la notion de « risque suffisamment caractérisé » concernant l’atteinte à une espèce protégée.
En effet, le Conseil d’Etat retient une appréciation in concreto de ce risque et prend en compte – ici concernant des espèces d’oiseaux protégées – l’absence de zones de nidification sur le site du projet et le risque non significatif de collision compte tenu de l’altitude de vol de ces oiseaux et des conditions d’implantation des éoliennes.
Cette jurisprudence du Conseil d’Etat illustre donc le nécessaire compromis à opérer entre le développement des énergies renouvelables et la protection des espèces protégées et de leurs habitats.