En cas de cession d’un immeuble de plus de 5 ans exonérée de TVA, le cédant est en principe tenu de régulariser par vingtième la TVA ayant grevé les dépenses d’acquisition qu’il a antérieurement déduites. Néanmoins, en principe, le cédant n’est pas tenu de procéder à cette régularisation lorsque l’opération est dispensée de TVA en application de l’article 257 bis du CGI (transmission d’une universalité totale ou partielle de biens, telle qu’une cession d’un immeuble de bureaux affecté à une activité locative soumise à la TVA).
Toutefois, de façon surprenante et inattendue, le Conseil d’Etat a retenu dans une décision du 31 mai 2022 une lecture restrictive de l’article 257 bis du CGI en considérant que cette dispense ne peut bénéficier qu’aux opérations soumises à la TVA (de plein droit ou sur option), par opposition (à la lecture des conclusions du rapporteur public) aux opérations hors du champ de la TVA ou exonérées de TVA (pour lesquelles le cédant doit procéder aux régularisations de TVA).
En d’autres termes, la dispense de TVA de l’article 257 bis ne s’appliquerait finalement pas aux cessions d’immeubles de plus de 5 ans (exonérées de TVA) qui devraient alors nécessairement entraîner des régularisations effectives de TVA !
A la lecture des conclusions du rapporteur public nous comprenons que le législateur français aurait mal transposé la Directive TVA et que, en l’état, la lettre de l’article 257 bis ne permettrait pas d’appliquer la dispense de régularisations de TVA aux opérations exonérées de TVA.
Néanmoins, le Conseil d’Etat semble reconnaître que la dispense de régularisations de TVA est actuellement admise par voie doctrinale, notamment sur le fondement du rescrit n° 2006/58 (TCA) du 26 décembre 2006 repris au BOFiP (BOI-TVA-DED-60-20-10 n° 285 du 3 janvier 2018), et que cette doctrine est à ce jour opposable à l’administration fiscale (sous réserve toutefois de respecter l’ensemble des conditions fixées par la doctrine, ce qui n’était pas le cas dans l’affaire jugée par le Conseil d’Etat).
Ainsi, tant que la doctrine de l’administration n’est pas rapportée, la dispense de TVA de l’article 257 bis devrait pouvoir continuer à s’appliquer aux régularisations de TVA. Par prudence, il est recommandé de faire expressément référence au BOFiP dans les actes de transfert de propriété.
Cette décision soulève cependant de nombreuses questions et il n’est pas à exclure que le législateur intervienne pour clarifier la situation (par exemple dans le cadre des prochaines lois de finances).