Par un arrêt en date du 19 avril 2023, la chambre commerciale de la Cour de cassation a répondu à la question de l’applicabilité, en cas de cession de gré à gré d’un fonds de commerce incluant le droit au bail d’un preneur en liquidation judiciaire, des clauses d’agrément prévues audit bail.
Au cas d’espèce, une SCI avait consenti un bail commercial à une société qui a été placée en liquidation judiciaire à la suite d’un jugement d’ouverture en date du 27 août 2020.
Le 5 octobre 2020, la SCI a adressé un commandement de payer les loyers postérieurs à la date du jugement d’ouverture au liquidateur judiciaire, puis a sollicité par requête du 3 novembre 2020 la résiliation du bail en question.
Le 6 octobre 2020, le liquidateur judiciaire a saisi le juge-commissaire afin d’obtenir l’autorisation de céder de gré à gré le fonds de commerce du preneur, en ce compris le droit au bail, conformément à l’article L. 642-19 du Code de commerce.
Par une ordonnance en date du 17 décembre 2020, le juge-commissaire a autorisé la cession du fonds de commerce du preneur, malgré l’opposition de la SCI.
La SCI a interjeté appel de cette ordonnance, en soutenant, d’une part, que la requête en résiliation déposée (i) interdisait toute cession du bail et (ii) nécessitait de surseoir à statuer dans l’attente de la position du juge-commissaire et, d’autre part, que la cession ne pouvait intervenir alors que d’une clause du bail conditionnait la cession du bail à l’agrément du bailleur.
Par un arrêt du 3 juin 2021, la Cour d’appel de Paris a :
– déclaré irrecevable la demande de la SCI tendant à voir constater la résiliation du bail, considérant qu’elle était nouvelle et qu’il y avait ainsi lieu de relever d’office son irrecevabilité en application de l’article 564 du Code de procédure civile ; et
– rejeté la contestation de la cession du fonds incluant le droit au bail par la SCI, en retenant que la clause d’agrément ne s’applique qu’en cas de cession du bail seul et non du fonds de commerce.
La SCI s’est pourvue en cassation contre l’arrêt de la Cour d’appel de Paris ordonnant la cession du fonds de commerce, estimant :
– d’une part, que l’irrecevabilité de sa demande de résiliation du bail commercial est contraire à l’article 16 du Code de procédure civile et au principe de la contradiction, le juge ayant relevé d’office un nouveau moyen sans inviter au préalable les parties à présenter leurs observations ; et
– d’autre part, que la cession de gré à gré du fonds de commerce et du droit au bail, autorisée par le juge commissaire, ne saurait se faire sans l’agrément préalable du bailleur, dans la mesure où le bail comprend une clause d’agrément du cessionnaire par le bailleur.
La chambre commerciale de la Cour de cassation a cassé et annulé l’arrêt rendu par la Cour d’appel de Paris.
Sur le moyen procédural relatif à l’irrecevabilité des demandes en appel, l’arrêt est cassé pour non-respect du principe du contradictoire, les parties n’ayant pu présenter leurs observations.
Sur le moyen relatif à la cession du droit au bail par la vente de gré à gré du fonds de commerce, la Cour de cassation considère qu’il résulte de la combinaison de l’article 1134 du Code civil (antérieur à l’ordonnance du 10 février 2016), et des articles L. 145-16 (antérieur à la loi n°2022-172 du 14 février 2022), L. 641-12 et L. 642-19 du Code de commerce qu’en cas de liquidation judiciaire, la cession de gré à gré du bail, seule ou incluse dans celle du fonds de commerce, se fait aux conditions prévues par le bail à la date du jugement d’ouverture, à l’exception de la clause imposant au cédant des obligations solidaires avec le cessionnaire.
En conséquence, la Cour de cassation considère qu’en cas de cession du fonds de commerce, ou du droit au bail seul, d’un preneur en liquidation judiciaire, le juge-commissaire devra prendre en compte toutes les dispositions du bail, à l’exception des clauses imposant au cédant des obligations solidaires avec le cessionnaire.
Cette solution jurisprudentielle est à distinguer de celle applicable en plan de cession, auquel cas les clauses du bail commercial cédé, y compris les clauses d’agrément, ne peuvent trouver à s’appliquer