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17 octobre 2023

Bail commercial : manquement du bailleur à son obligation de délivrance et mise en jeu de l’exception d’inexécution par le preneur

Par un arrêt en date du 6 juillet 2023, la Cour de cassation a jugé qu’un preneur ne peut valablement invoquer l’exception d’inexécution pour suspendre le paiement de son loyer que dans la seule mesure où le défaut d’entretien ou de réparation dont il se prévaut à cet effet rend impropre les locaux loués à l’usage auquel ils étaient destinés.

En l’espèce, un preneur a pris à bail commercial un local à usage commercial par acte en date du 1er mars 2002. En invoquant divers manquements du preneur à ses obligations contractuelles (en ce notamment compris le paiement du loyer), le bailleur a assigné ce dernier aux fins d’obtenir la résiliation du bail, l’expulsion du preneur et le paiement d’une indemnité d’occupation. Pour motiver le défaut de règlement des loyers échus, le preneur a invoqué un manquement du bailleur à son obligation de délivrance (prévue par l’article 1719 du Code civil) en raison d’infiltrations d’eau dans les locaux loués afin de se prévaloir d’une exception d’inexécution (principe prévu par l’article 1184 – devenu article 1219 – du Code civil, selon lequel : « une partie peut refuser d’exécuter son obligation, alors même que celle-ci est exigible, si l’autre n’exécute pas la sienne et si cette inexécution est suffisamment grave »).

La cour d’appel saisie de cette affaire a débouté le bailleur de ses prétentions et a ordonné la consignation des loyers. Les juges du fond ont pour cela retenu qu’il importait peu que l’exploitation par le preneur des locaux loués ne soit pas rendue totalement impossible par les infiltrations, dans la mesure où l’exception d’inexécution opposée par le preneur demeurait justifiée par le manquement du bailleur à une obligation essentielle du bail.

Le bailleur s’est alors pourvu en cassation, en soutenant que le non-respect de ses obligations ne pouvait dispenser le preneur de remplir ses propres obligations que dans la seule hypothèse où ce manquement rendrait impossible la jouissance des locaux loués.

La Cour de cassation a, au visa de l’article 1184 du Code civil (dans sa rédaction antérieure à celle de l’ordonnance n°2016-131 du 10 février 2016, devenu article 1219) et l’article 1719 du Code civil, considéré que la Cour d’appel, en rejetant les demandes du bailleur et en ordonnant la consignation des loyers sans préalablement rechercher « comme il le lui était demandé, si les infiltrations alléguées avaient rendu les locaux loués impropres à l’usage auquel ils étaient destinés », a privé sa décision de base légale. Cet arrêt confirme la jurisprudence antérieure de la Cour de cassation à ce sujet (voir notamment Cass. , 3e Civ. , 21 novembre 1995, n°94-11.806).

Cass. , 3e civ. , 6 juillet 2023, n° 22-15.923

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