Pour rappel, lorsqu’un bailleur souhaite demander ou faire constater la résiliation du bail commercial à raison du « défaut de paiement des loyers et charges » par un preneur placé en liquidation judiciaire, l’action du bailleur ne peut être engagée qu’au terme d’un délai de 3 mois à compter du « jugement d’ouverture » (articles L641-12, 3° et L622-14 2° du Code de commerce).
Au cas d’espèce, une société preneuse a été mise en redressement judiciaire le 20 octobre 2014 et a bénéficié d’un plan de redressement arrêté le 15 juin 2016. Un jugement du 19 septembre 2019 a prononcé la résolution du plan de redressement et ouvert une procédure de liquidation judiciaire à l’égard de ladite société. Aux termes d’une requête déposée le 23 octobre 2019 auprès du juge-commissaire, la société bailleresse a demandé à ce que soit constatée la résiliation du bail pour non-paiement des loyers depuis l’ouverture de la procédure de liquidation judiciaire. Le liquidateur lui a opposé le non-respect du délai de 3 mois visé à l’article L622-14 2° du Code de commerce précité.
Dans un arrêt du 23 janvier 2021, la Cour d’appel de Paris a considéré que la requête en demande de résiliation du bail déposée par le bailleur le 23 octobre 2019 était irrecevable puisque déposée moins de 3 mois après le jugement du 19 septembre 2019 prononçant la résolution du plan de redressement de la société preneuse et ouvrant la procédure de liquidation judiciaire.
La société bailleresse s’est alors pourvue en cassation, aux motifs :
– que le point de départ du délai de 3 mois devant être retenu est la date « du jugement d’ouverture de sauvegarde ou de redressement judiciaire », dans la mesure où la procédure de liquidation faisait suite à une précédente procédure de redressement ;
– qu’en toutes hypothèses, pour apprécier si le délai de 3 mois en question était ou non écoulé, le juge doit se placer « à la date à laquelle il statue, et non à la date de la demande », de sorte que son action en acquisition de la clause résolutoire du bail devait être jugée recevable.
Par un arrêt du 18 janvier 2023, la Cour de cassation a rejeté les moyens ainsi soulevés par la bailleresse, en considérant que :
– « lorsque la liquidation judiciaire est ouverte sur résolution du plan, il ne s’agit pas d’une conversion de la procédure de redressement en cours, mais d’une nouvelle procédure collective, de sorte que, dans cette hypothèse, le point de départ du délai de trois mois est la date du jugement prononçant la résolution du plan et ouvrant la liquidation judiciaire » et non, comme le soutenait la bailleresse, la date du jugement d’ouverture de sauvegarde ou de redressement judiciaire ;
– il appartient au juge de « se placer non à la date à laquelle il statue, mais à la date à laquelle le bailleur l’a saisi de la demande de résiliation », de sorte qu’au cas d’espèce, la recevabilité de l’action en résiliation devait s’apprécier au jour de la saisine du juge-commissaire, soit au 23 octobre 2019.
En conséquence, la Cour de cassation a estimé que c’est à bon droit que la Cour d’appel de Paris a retenu l’irrecevabilité de la requête déposée par la bailleresse.
Cette décision rappelle que la procédure ouverte suite à la résolution d’un plan de redressement (ou de sauvegarde le cas échéant) est une nouvelle procédure. Dès lors, les délais courent à compter du jugement d’ouverture de la nouvelle procédure, et non à compter du jugement d’ouverture de la procédure initiale (voir, par exemple, Cass. Com., 23 novembre 2022, n°21-19.431).