Le sujet étant relativement technique, on rappellera tout d’abord qu’en vertu du statut des baux commerciaux, lorsqu’un preneur est évincé et a droit à une indemnité d’éviction, celle-ci, une fois fixée, doit être versée à l’expiration du délai de 15 jours durant lequel le bailleur peut exercer son droit de repentir. Passé ce délai, le bailleur peut régler l’indemnité soit directement au preneur, soit à un séquestre. Dès la notification au preneur du versement de l’indemnité au séquestre, le preneur doit restituer les locaux dans un délai de 3 mois. A défaut de remise des clefs à la date fixée et passé ce délai de 3 mois, le séquestre retient 1 % par jour de retard sur le montant de l’indemnité et restitue cette retenue au bailleur sur sa seule quittance.
Par un arrêt du 19 octobre 2022, la Cour de cassation a précisé que cette retenue de 1% par jour de retard sur le montant de l’indemnité d’éviction ne s’applique que « si, à la date de la notification au preneur du versement au séquestre, la somme séquestrée couvre l’intégralité de l’indemnité d’éviction, en principal et accessoires ».
En l’espèce, une indemnité d’éviction, due à un preneur pour non-renouvellement de son bail commercial, a été fixée judiciairement. Le bailleur, après avoir signifié l’arrêt fixant le montant de cette indemnité, a notifié au preneur, le 13 avril 2018, la mise sous séquestre d’une somme au titre de l’indemnité d’éviction. Le 19 juillet 2018, le bailleur a rappelé au preneur qu’il aurait dû quitter les lieux le 13 juillet 2018, soit dans les 3 mois de la séquestration de l’indemnité d’éviction, et a en conséquence a assigné le preneur pour obtenir restitution du montant de la somme séquestrée. La Cour d’appel compétente a refusé au bailleur le droit d’obtenir le règlement de cette retenue au motif qu’il n’avait pas séquestré la totalité (en principal et accessoires) de la somme revenant au preneur au titre de l’indemnité d’éviction. Le bailleur s’est alors pourvu en cassation.
Dans l’arrêt précité, la Cour de cassation :
– rappelle qu’il résulte des articles L.145-29 et L.145-30 du Code de commerce « qu’à défaut de remise des clefs à la date fixée et passé le délai de trois mois à compter de la notification au locataire du versement de l’indemnité d’éviction à un séquestre, celui-ci retient 1 % par jour de retard sur le montant de l’indemnité et restitue cette retenue au bailleur » ;
– en déduit, comme l’avait fait la Cour d’appel, que « cette retenue ne peut s’appliquer que si, à la date de la notification au preneur du versement au séquestre, la somme séquestrée couvre l’intégralité de l’indemnité d’éviction, en principal et accessoires » ;
– casse l’arrêt de la Cour d’appel au motif que celle-ci n’a fait que relever que le bailleur avait déposé une certaine somme entre les mains du séquestre « sans préciser ni rechercher quel était le montant de l’indemnité d’éviction, en principal et accessoires, restant effectivement dû au jour où le dépôt avait été accompli ».