Par une décision du 7 juillet 2022, le Conseil d’État confirme que, même dans une commune couverte par un PLU antérieur à la réforme des destinations découlant de la loi ALUR – comme le PLU de Paris à ce jour -, les formalités d’urbanisme nécessaires en cas de changement de destination s’apprécient par rapport aux nouvelles destinations et sous-destinations issues de la réforme de 2015.
En l’espèce, la maire de Paris s’était opposée à une déclaration préalable (DP) visant à transformer un local occupé par une boucherie en supérette et à en modifier les façades, au motif que ces travaux entraînaient un changement de destination du local, celui passant de la destination « artisanat » à la destination « commerce ». Dès lors que les travaux avaient également pour objet de modifier la façade du bâtiment, ils entraient dans le champ d’application du permis de construire (PC) au titre de l’article R. 421-14 du code de l’urbanisme. Saisi de cette décision de refus, le TA de Paris avait rejeté le recours du pétitionnaire (TA 7 février 2019, Société CSF, n° 1719507). La CAA de Paris avait toutefois annulé ce jugement, considérant que, depuis le 1er janvier 2016, la transformation d’une boucherie en commerce ne relevait plus d’un changement de destination, les articles R. 151-27 et R. 151-28 regroupant désormais au sein d’une même destination le commerce et l’artisanat (CAA Paris 20 mai 2021, Société CSF, n° 19PA00986).
A l’occasion de l’examen du pourvoi de la Ville de Paris, le Conseil d’État vient préciser que les règles issues du décret n° 2015-1783 du 28 décembre 2015 définissant les projets soumis à autorisation d’urbanisme, selon notamment qu’ils comportent ou non un changement de destination d’une construction existante, sont entrées en vigueur le 1er janvier 2016, sans qu’ait d’incidence à cet égard le maintien en vigueur au sein de certains PLU des anciennes destinations définies à l’article R. 123-9 du code de l’urbanisme dans sa rédaction antérieure au 1er janvier 2016.
Les règles soumettant les constructions à PC ou DP sont donc définies, pour l’ensemble du territoire national, par les articles R. 421-14 et R. 421-17 du code de l’urbanisme, qui renvoient, depuis le 1er janvier 2016, pour déterminer les cas de changement de destination soumis à autorisation, aux destinations et sous-destinations identifiées aux articles R. 151-27 et R. 151-28 de ce code.
Le Conseil d’État rejette ainsi le pourvoi, considérant qu’en jugeant que la procédure administrative applicable au projet concerné, postérieur au 1er janvier 2016, devait être déterminée par application des dispositions de l’article R. 421-14 du code de l’urbanisme issues du décret du 28 décembre 2015, nonobstant la circonstance que le PLU de Paris applique encore les anciennes destinations, pour en déduire que la demande de cette société n’était plus soumise à PC mais à DP, la CAA de Paris a suffisamment motivé son arrêt et n’a pas commis d’erreur de droit, dès lors que la modification d’une boucherie en commerce ne constitue, désormais, plus un changement de destination.
Très concrètement, cette décision vient acter l’existence d’un double régime des destinations applicables dans les communes dans lesquelles le PLU n’a pas encore été mis en forme selon la loi ALUR de 2014 :
- d’une part, le champ d’application des autorisations d’urbanisme est régi par les nouvelles destinations et sous-destinations des articles R. 151-27 et R. 151-28 du code de l’urbanisme : c’est donc au regard de ces nouvelles catégories qu’il convient d’apprécier si une autorisation d’urbanisme est requise et, le cas échéant, la nature de celle-ci ;
- d’autre part, ces PLU « non-alurisés » se réfèrent encore aux neuf anciennes destinations de l’ancien article R. 123-9 du code de l’urbanisme. C’est donc au regard de ces anciennes catégories que la conformité d’un projet aux dispositions du PLU doit être appréciée.