La Cour de cassation continue d’affiner sa jurisprudence relative à la charge de la preuve de l’usage d’habitation : une déclaration «R» établie postérieurement au 1er janvier 1970 ne permet pas d’établir l’usage d’habitation à cette date.
Dans la ligne de ses orientations, la Ville de Paris a assigné le propriétaire et le locataire d’un appartement sur le fondement des articles L 631-7 et 651-2 du CCH, pour en avoir changé l’usage sans autorisation préalable, ces derniers l’ayant loué de manière répétée, pour de courtes durées, à une clientèle de passage qui n’y élit pas domicile.
Après avoir été déboutée en appel, elle s’est pourvue en cassation.
De manière didactique, la Cour de cassation rappelle d’abord que :
- un local est réputé à usage d’habitation s’il était affecté à cet usage au 1er janvier 1970, cette affectation pouvant être établie par tout mode de preuve ;
- la preuve d’une telle affectation postérieurement à cette date est inopérante (Cass. civ 3ème 28 mai 2020, n° 18-26.366) ;
- les déclarations souscrites par les redevables de la contribution foncière, établies sur des formules spéciales fournies par l’administration, comportent les renseignements utiles à l’évaluation de chaque propriété ou fraction de propriété à la date de leur souscription, de sorte qu’une déclaration remplie postérieurement au 1er janvier 1970 ne permet pas d’en établir l’usage à cette date, ni de le faire présumer (Cass. civ. 3ème 7 septembre 2023, n° 22-18.101), sauf mention de la location du bien et du montant du loyer en vigueur au 1er janvier 1970.
En l’espèce, en vue d’établir l’usage initial d’habitation de l’appartement concerné, la Ville produisait une déclaration modèle « R » établie le 9 octobre 1970 et indiquant que les locaux en cause étaient des pièces de service.
Rappelons que la déclaration « R » a pour objet de compléter les déclarations (H2, CBD, ME ou U) souscrites pour chacun des locaux ou biens situés dans un immeuble collectif, par l’indication des caractéristiques générales de chaque bâtiment principal et de ses constructions accessoires ou de la consistance des locaux à usage commun ainsi que par une récapitulation des locaux ou biens à usage privatif situés dans la propriété.
La Cour de cassation considère que cette déclaration ayant pour seul objet de décrire la situation de l’immeuble à la date de sa souscription, les mentions apposées sur un formulaire souscrit après le 1er janvier 1970 sont inopérantes pour en établir l’usage à cette date.
La Ville ne pouvait donc se prévaloir d’un changement d’usage illicite au sens des dispositions du CCH. Son pourvoi est ainsi rejeté.
Cass civ. 3ème 11 janvier 2024, n° 22-21.126, Publié au bulletin