Par une décision du 4 octobre 2023, le Conseil d’Etat, saisi notamment par des professionnels de l’immobilier, s’est prononcé sur la légalité du décret n° 2022-422 du 25 mars 2022 introduisant le dispositif de « clause-filet ». Il valide l’essentiel du dispositif, tout en clarifiant les conséquences de l’activation de cette clause sur les délais d’instruction des autorisations d’urbanisme. En revanche, il censure le décret en tant qu’il ne prévoit pas, dans l’hypothèse où une déclaration préalable a fait l’objet d’une évaluation environnementale à la suite de l’activation de la clause-filet, d’exception à la règle selon laquelle, à défaut de notification d’une décision expresse dans le délai d’instruction, le silence gardé par l’autorité compétente vaut décision de non-opposition à la déclaration préalable.
Pour rappel, à la suite de la décision du Conseil d’Etat du 15 avril 2021 (n° 425424) enjoignant au gouvernement de prendre « les dispositions permettant qu’un projet susceptible d’avoir une incidence notable sur l’environnement ou la santé humaine pour d’autres caractéristiques que sa dimension, notamment sa localisation, puisse être soumis à une évaluation environnementale », le décret n° 2022-422 du 25 mars 2022 a introduit un dispositif de « clause-filet ».
Ce mécanisme permet à l’autorité compétente en matière d’urbanisme de soumettre à l’examen au cas par cas de l’autorité environnementale tout projet, y compris de modification ou d’extension[1], même en deçà des seuils fixés à l’annexe de l’article R. 122-2 et dont elle est la première saisie, que ce soit dans le cadre d’une procédure d’autorisation ou de déclaration, lorsque ce projet lui apparaît susceptible d’avoir des incidences notables sur l’environnement ou la santé humaine (art. R. 122-2-1 du code de l’environnement).
Dans ce cas, elle doit informer le maitre d’ouvrage de sa décision motivée au plus tard 15 jours à compter du dépôt du dossier. Le maître d’ouvrage saisit alors l’autorité environnementale – i.e. en principe le préfet de région – d’une demande d’examen au cas par cas.
Celle-ci dispose de 35 jours à compter de la réception du formulaire complet, pour se prononcer, sur la base des informations fournies par le maître d’ouvrage, sur la nécessité ou non de réaliser l’évaluation environnementale. Le défaut de réponse dans ce délai vaut obligation de réaliser une telle évaluation (art. R. 122-3-1 du code de l’environnement).
L’articulation de ce dispositif avec les délais d’instruction des autorisations d’urbanisme demeurait imprécise .
Selon la décision du Conseil d’Etat du 4 octobre dernier :
– la notification de la décision de soumettre le projet à examen au cas par cas doit s’accompagner de l’envoi d’une demande de pièce manquante par l’autorité compétente dans le délai d’un mois suivant la réception du dossier (art. R.423-38 du code de l’urbanisme).
Précisons ici que le demandeur a alors trois mois à compter de la réception de cette lettre pour communiquer lesdites pièces. A défaut, la demande fait l’objet d’une décision tacite de rejet (art. R. 423-39 du code de l’urbanisme).
– la décision de l’autorité environnementale est adressée par le pétitionnaire à l’autorité compétente pour instruire la demande d’autorisation d’urbanisme dans le délai de trois mois qui lui est imparti, et quel qu’en soit le sens :
- la notification de la décision de ne pas prescrire une évaluation environnementale marque – sous réserve de la communication des éventuelles autres pièces manquantes – le point de départ du délai d’instruction de l’autorisation d’urbanisme, comme le prévoit l’article R. 423-39 du code de l’urbanisme; à l’inverse,
- la notification de la décision de prescrire une évaluation environnementale entraîne d’office et sur le fondement de l’article R.423-37-3 du code de l’urbanisme, la suspension de l’instruction de l’autorisation d’urbanisme jusqu’à la réception, par l’autorité compétente en matière d’autorisation d’urbanisme, de la synthèse des observations du public (§ 23 de la décision du Conseil d’Etat). En effet, les demandes d’autorisations d’urbanisme portant sur des projets donnant lieu à la réalisation d’une évaluation environnementale après un examen au cas par cas font l’objet d’une procédure de participation du public par voie électronique (PPVE) (art. L. 123-2-I, 1° du code de l’environnement), organisée par l’autorité compétente pour délivrer l’autorisation d’urbanisme et à l’issue de laquelle est établie une synthèse des observations du public (art. L. 123-19 du code de l’environnement).
S’agissant de l’application du dispositif de la clause-filet aux déclarations préalables (DP), selon les articles L. 122-1-1 et L. 123-2 du code de l’environnement et L. 424-4 du code de l’urbanisme, lorsque le projet est soumis à évaluation environnementale à la suite d’une décision de l’autorité environnementale saisie après activation de la clause-filet, la décision de non-opposition à cette déclaration ne peut être qu’explicite (§ 30 de la décision du Conseil d’Etat).
A défaut d’avoir prévu que, dans ce cas, le défaut de notification d’une décision expresse dans le délai d’instruction vaut décision d’opposition à la DP, le décret litigieux est donc illégal.
Conseil d’Etat 4 octobre 2023, n° 465921
[1] Ce que confirme le Conseil d’Etat au § 8 de la décision.