Par un arrêt en date du 16 novembre 2023, la troisième chambre civile de la Cour de cassation est venue réitérer sa position relative à l’absence de prescription d’une action tendant à voir réputer non écrite la clause d’un bail commercial introduite après l’entrée en vigueur de la loi dite « Pinel » du 18 juin 2014 mais relative à un bail conclu antérieurement à ladite entrée en vigueur (Cass. 3ème civ., 19 novembre 2020, n°19-20.405 – décision relative au réputé non écrit d’une clause relative à la révision du loyer).
Au cas d’espèce :
- le 10 décembre 2002 (avant l’entrée en vigueur de la loi Pinel), un bail commercial a été conclu entre les propriétaires d’une maison située dans une résidence de tourisme et un exploitant comprenant une clause de renonciation de celui-ci en sa qualité de locataire à son droit à une indemnité d’éviction en cas de congé,
- le 23 septembre 2014, les propriétaires ont délivré au locataire un congé avec refus de renouvellement, à effet au 31 mars 2015, sans offre d’indemnité d’éviction,
- le locataire a assigné les propriétaires afin d’obtenir, entre autre, le paiement d’une indemnité d’éviction.
La Cour d’appel a réputé non écrite la clause de renonciation à l’indemnité d’éviction prévue au bail en se fondant sur les dispositions de l’article L. 145-15 du Code de commerce dans sa rédaction issue de la loi Pinel. Pour rappel, la loi Pinel a modifié la sanction des clauses ayant pour effet de faire échec au droit de renouvellement et à indemnité d’éviction en substituant le caractère réputé non écrit (nous soumis à prescription) à la nullité (soumise à la prescription biennale de l’article L. 145-60 du même Code).
La Cour de cassation vient ici confirmer sa position issue de l’arrêt du 19 novembre 2020 précité :
- en rappelant d’abord que « la loi n° 2014-626 du 18 juin 2014 (Loi Pinel), qui, en ce qu’elle a modifié l’article L. 145-15 du code de commerce, a substitué, à la nullité des clauses ayant pour effet de faire échec au droit au renouvellement, leur caractère réputé non écrit, est applicable aux baux en cours et l’action tendant à voir réputée non écrite une clause du bail n’est pas soumise à prescription. »
- de sorte que « quand bien même la prescription de l’action en nullité des clauses susvisées était antérieurement acquise, la sanction du réputé non écrit est applicable aux baux en cours. ».
Au vu de ce qui précède, la Haute juridiction poursuit en indiquant que « Ayant constaté que le bail s’était tacitement prorogé et que le congé avait été valablement délivré par les propriétaires le 23 septembre 2014, soit postérieurement à l’entrée en vigueur de cette loi, la cour d’appel en a exactement déduit que l’action tendant à voir réputer non écrite la clause de renonciation à l’indemnité d’éviction n’était pas soumise à la prescription biennale et était recevable. »
L’action du locataire n’était donc pas atteinte par la prescription biennale dès lors que le bail prorogé était en vigueur à la date de publication de la loi Pinel et que le congé faisant naître le droit à indemnité d’éviction du locataire avait bien été délivré postérieurement à l’entrée en vigueur de ladite loi.
Le notaire ayant instrumenté la vente du bien litigieux s’est également pourvu en cassation contre l’arrêt d’appel s’agissant de sa condamnation à tenir indemne les propriétaires. La Cour de cassation invalide ici l’arrêt d’appel en considérant que « le notaire n’était pas tenu d’une obligation de conseil concernant l’opportunité économique d’un bail commercial conclu par les acquéreurs sans son concours, ni de les mettre en garde sur le risque d’annulation d’une clause de ce bail qui était sans incidence sur la validité et l’efficacité de l’acte de vente qu’il instrumentait (…). »
Rappelons à ce titre que l’article L. 321-3 Code du tourisme fait désormais obligation aux personnes commercialisant des logements situés dans une résidence de tourisme de mentionner explicitement dans les documents de commercialisation diffusés aux acquéreurs de « l’existence du droit à l’indemnité dite d’éviction prévue à l’article L. 145-14 du code de commerce en cas de refus de renouvellement du bail, ainsi que les modalités générales de son calcul. »