Dans une décision du 25 janvier 2023, le Conseil d’Etat précise les conditions de la recevabilité d’un pourvoi en cassation émanant d’une partie intervenante en défense à l’instance.
En l’espèce, le préfet de l’Eure avait, par six arrêtés, refusé de délivrer des permis de construire portant sur cinq éoliennes et un poste de livraison sur les territoires de deux communes. A l’issue du rejet, par le Tribunal administratif de Rouen, de la requête de la société pétitionnaire contre ces décisions, la Cour administrative d’appel (CAA) de Douai a, dans un arrêt du 29 décembre 2020, annulé cinq des six arrêtés de refus et enjoint au préfet de délivrer les permis de construire pour quatre éoliennes et le poste de livraison.
Une des communes d’implantation du projet éolien, intervenante volontaire en première instance et en appel, a formé un pourvoi en cassation contre l’arrêt de la CAA.
Pour rejeter ce pourvoi comme étant irrecevable, le Conseil d’Etat indique d’abord que « la personne qui, devant la [CAA], est régulièrement intervenue en défense à un recours pour excès de pouvoir est recevable à se pourvoir en cassation contre l’arrêt rendu contrairement aux conclusions de son intervention lorsqu’elle aurait eu qualité, à défaut d’intervention de sa part, pour former tierce opposition contre l’arrêt faisant droit au recours« .
En d’autres termes, la recevabilité du pourvoi en cassation est conditionnée par la qualité pour former tierce opposition contre un arrêt d’appel. Le même raisonnement vaut pour la recevabilité d’un appel, conditionnée par la qualité pour former opposition contre un jugement.
Le Conseil d’Etat précise ensuite que « la circonstance qu’une personne justifie d’un intérêt pour agir contre une décision administrative ne lui donne pas, de ce seul fait, qualité pour former tierce opposition à l’arrêt par lequel une [CAA] a annulé la décision refusant cette autorisation, y compris lorsque la [Cour] a assorti son arrêt d’une injonction tendant à la délivrance de cette autorisation, dès lors que l’autorisation ainsi délivrée peut être contestée par des tiers à cette autorisation sans qu’ils puissent se voir opposer les termes de l’arrêt. Elle n’est donc pas recevable à se pourvoir en cassation contre cet arrêt alors même qu’elle est intervenue en défense devant la [CAA]. Il en va de même de toute personne qui justifierait d’un intérêt lui donnant qualité pour agir contre cette décision administrative, dès lors que l’arrêt par lequel la [CAA] a annulé la décision refusant cette autorisation ne préjudicie pas à ses droits« .
Une personne disposant d’un intérêt à agir contre une autorisation administrative n’a pas, de ce seul fait, qualité pour former tierce opposition contre la décision juridictionnelle annulant le refus de cette autorisation, même accompagnée de l’injonction de délivrer ladite autorisation, dès lors que le jugement ou l’arrêt ne préjudicie pas à ses droits. Cette personne n’est donc pas recevable à former un pourvoi en cassation contre l’arrêt d’appel annulant le refus. La circonstance que la personne ait été intervenante en défense est sans incidence sur la recevabilité du pourvoi. En effet, l’autorisation délivrée à la suite de l’injonction pourra être contestée par des tiers intéressés sans qu’ils puissent se voir opposer les termes du jugement annulant le refus (CE 25 mai 2018, n° 417350, publié au Recueil Lebon).
La décision du Conseil d’Etat confirme sa jurisprudence – toujours en matière d’éoliennes – sur l’irrecevabilité de l’appel interjeté, entre autres, par une association intervenante en défense, contre le jugement annulant des refus de permis de construire et enjoignant le préfet de délivrer lesdits permis (CE 1er juin 2022, Association Apache et a., n° 441176, 441181, 441183, inédit au Recueil).