Par une décision du 24 octobre 2023 publiée au Lebon, le Conseil d’Etat opère un revirement de jurisprudence[1] : la majoration du délai d’instruction d’une demande d’autorisation d’urbanisme ne constitue pas une décision susceptible de faire l’objet d’un recours pour excès de pouvoir.
Pour mémoire, en application du code de l’urbanisme :
– les cas de majoration du délai d’instruction des demandes d’autorisations d’urbanisme et des déclarations préalables sont limitativement fixés aux articles R. 423-24 à R. 423-33 dudit code ;
– la modification éventuelle du délai d’instruction est notifiée au demandeur dans le mois suivant le dépôt de la demande[2] ; cette notification indique (i) le nouveau délai et, le cas échéant, son nouveau point de départ, (ii) les motifs de la modification de délai, (iii) lorsque le projet entre dans les cas prévus à l’article R. 424-2 du code de l’urbanisme, qu’à l’issue du délai, le silence éventuel de l’autorité compétente vaudra refus tacite du permis[3] ;
– cette modification du délai n’est applicable que si la notification requise a été faite[4] ;
– à défaut de notification d’une décision expresse dans le délai d’instruction, le silence gardé par l’autorité compétente vaut en principe, selon les cas, décision de non-opposition à déclaration préalable ou permis de construire, permis d’aménager ou permis de démolir tacite[5].
Sur ce fondement, le Conseil d’Etat juge que :
- La majoration du délai d’instruction qui serait tardive (e. notifiée après l’expiration du délai d’un mois) ou qui ne serait pas motivée par l’une des hypothèses de majoration prévues par le code de l’urbanisme ne modifie pas le délai d’instruction, de sorte qu’une décision implicite d’acceptation peut intervenir à l’expiration de ce délai. Ce faisant, le Conseil d’Etat confirme la solution selon laquelle une demande illégale de pièces complémentaires ne fait pas obstacle à la naissance d’une autorisation d’urbanisme tacite (CE 9 décembre 2022, Commune de Saint-Herblain, n° 454521).
- L’administration doit justifier avoir effectivement procédé à la consultation ou mis en œuvre la procédure ayant motivé la majoration du délai d’instruction.
- Le bien-fondé de la majoration est sans incidence sur la légalité du refus d’autorisation.
Dans cette affaire, un particulier a déposé, le 29 décembre 2017, une demande de permis de construire en vue de régulariser la construction d’une serre agricole. Le 23 janvier 2018 – soit dans le délai d’un mois suivant le dépôt de sa demande -, l’autorité compétente l’a informé que le délai d’instruction était majoré d’un mois et qu’en l’absence de réponse avant le 29 avril 2018, il bénéficierait d’une autorisation tacite. Toutefois, le 19 avril 2018, le maire a refusé de lui accorder le permis de construire.
Le tribunal administratif et la cour administrative d’appel ont rejeté la requête du demandeur, tendant à l’annulation de l’arrêté de refus du 19 avril 2018.
Saisi d’un pourvoi, le Conseil d’Etat juge – selon les principes susmentionnés – que :
- la décision de refus de permis de construire ne trouve pas sa base légale dans la décision majorant le délai d’instruction de la demande – qui ne fait pas grief et n’est donc pas susceptible de faire l’objet d’un recours pour excès de pouvoir – et n’est pas prise pour son application ; le requérant ne peut donc invoquer son illégalité à l’occasion du recours contre l’arrêté de refus de permis de construire ;
- le bien-fondé de la prolongation du délai d’instruction est, par lui-même, sans incidence sur la légalité du refus de permis de construire.
Conseil d’Etat 24 octobre 2023, n° 462511
[1] CE 22 octobre 1982, Sté Sobeprim, n° 12522.
[2] Article R. 423-18 b) du code de l’urbanisme.
[3] Article R. 423-42 du code de l’urbanisme.