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27 juillet 2022

Covid-19 et loyers commerciaux : la Cour de cassation se prononce par trois arrêts du 30 juin 2022 en faveur des bailleurs

Les mesures adoptées par les pouvoirs publics dans le cadre de la lutte contre l’épidémie de covid-19 ont entraîné la fermeture de nombreux commerciaux ou professionnels et motivé la suspension unilatérale du paiement des loyers par certains preneurs pendant les périodes concernées.

Les juridictions ont été saisies – le plus souvent à l’initiative des bailleurs – pour obtenir le paiement des loyers de locaux. Pour contester l’obligation de paiement des loyers pendant les périodes de fermetures administratives, les preneurs ont largement puisé dans les fondements juridiques suivants :

  • la force majeure (article 1218 du Code civil) ;
  • le manquement du bailleur à son obligation de délivrance (article 1719 du Code civil) ;
  • la destruction de la chose louée (article 1722 du Code civil) ;
  • l’imprévision (article 1195 du Code civil) ;
  • le manquement du bailleur à son obligation de bonne foi (article 1104 du Code civil).

Les décisions rendues à la veille des arrêts du 30 juin 2022, que ce soit en première instance ou en appel n’avaient pas permis de mettre un terme au débat d’une façon nette (1).

C’est tout l’intérêt des arrêts rendus par la troisième chambre civile de la Cour de cassation en date du 30 juin 2022 : écartant les différents fondements juridiques invoqués par les preneurs, elle retient que l’obligation de paiement des loyers n’a été ni suspendue, ni neutralisée pendant le confinement (2).

La portée de ces arrêts mérite une attention particulière : la Cour de cassation a tranché clairement en faveur des bailleurs par une décision dont la portée pourrait dépasser les seuls baux commerciaux (3).

1. A la veille des arrêts du 30 juin 2022

1.1 Les arguments en discussion

Force majeure : la force majeure a généralement été écartée par les juges du fond, principalement au motif qu’elle ne s’applique pas à l’obligation de payer une somme d’argent [1].

Par exemple, le Tribunal judiciaire de Paris a rejeté la force majeure, au motif que « il est de principe que le débiteur d’une obligation contractuelle de somme d’argent inexécutée ne peut s’exonérer de cette obligation en invoquant un cas de force majeure [2]».

Obligation de délivrance / exception d’inexécution : au fond, les juges ont refusé quasiment systématiquement l’application de l’exception d’inexécution en l’absence de caractérisation d’un manquement du bailleur à ses obligations au titre du bail.

Par exemple, il a été jugé que le bailleur n’était pas garant du trouble de jouissance résultant de la fermeture administrative du commerce du preneur ni de « la chalandise des lieux loués et la stabilité du cadre normatif, dans lequel s’exerce son activité [3] ».

Bonne foi : la bonne foi est un principe essentiel, rappelé à de nombreuses reprises par les juges, comme devant gouverner les rapports « bailleur/preneur » tout au long de l’exécution du bail.

Le Tribunal judiciaire de Paris a ainsi pu retenir que le preneur qui « n’a jamais formalisé de demande claire de remise totale ou partielle des loyers et/ou charges dus, ni sollicité d’aménagement de ses obligations sur une période bien déterminée » avait manqué à son obligation d’exécuter le bail de bonne foi et devait en conséquence régler l’intégralité du loyer [4].

Ainsi, le juge semblait examiner au cas par cas le comportement des parties. Une attention particulière était portée au degré d’ouverture de chacune des parties pour discuter et négocier une éventuelle adaptation des conditions financières du bail commercial durant les périodes de fermetures administratives.

Imprévision : Le texte n’étant pas d’ordre public, il est souvent écarté conventionnellement pour ne pas affecter la force obligatoire du bail commercial.

En tout état de cause,  il a déjà été jugé avant la crise sanitaire que l’imprévision ne s’appliquait pas aux baux commerciaux : « dès lors que le statut des baux commerciaux prévoit de nombreuses dispositions spéciales relatives à la révision du contrat de bail (révision triennale, clause d’indexation), il n’y a pas lieu de faire application des dispositions générales de l’article 1195 précité, ces dernières devant être écartées au profit des règles spéciales du statut des baux commerciaux » [5].

En outre, de nombreuses décisions ont jugé que ce fondement n’était pas adapté à la situation ; c’est par exemple le cas du Tribunal judiciaire de Paris, qui a récemment rejeté l’imprévision au motif que l’objet de cette disposition légale n’est pas « d’obtenir l’annulation pure et simple des échéances de loyers et de charges » mais de « procéder à un rééquilibrage durable et pour l’avenir des obligations réciproques des parties » et a jugé que le preneur « ne pouvait […] pas se dispenser unilatéralement de payer le loyer et les charges dus » au bailleur au motif que ce dernier « n’avait pas apporté la réponse espérée à sa demande d’adaptation » du bail [6].

Dans le même sens, la Cour d’appel de Paris avait considéré que « si ces dispositions permettent à une partie de demander une renégociation du contrat à son cocontractant, elles ne la dispensent pas de l’exécution de ses obligations durant la renégociation. [7]»

Perte de la chose louée : la Cour de cassation et la doctrine admettent que la perte de la chose louée s’entende d’une perte de nature juridique consistant alors « dans l’impossibilité, pour le preneur, de jouir complètement de la chose louée, celle-ci n’eût-elle d’autre part subi aucune altération de sa substance [8] ».

Les décisions rendues à la veille des arrêts du 30 juin 2022 dans le cadre de la crise sanitaire étaient toutefois contrastées à ce sujet :

  • à Paris, les décisions étaient le plus souvent pro-bailleurs.

Par exemple, le Tribunal judiciaire de Paris a écarté l’application de l’article 1722 du Code civil au motif que « l’impossibilité d’exploiter les locaux pris à bail du fait des mesures administratives adoptées dans le cadre de l’état d’urgence sanitaire résulte de la nature de l’activité exercée dans les lieux loués et non de la chose louée elle-même [9]».

  • en dehors de Paris, les décisions étaient au contraire plutôt favorables aux preneurs.

Par exemple, le Tribunal judiciaire de La Rochelle, avait considéré que le loyer pour la période du 16 mars au 11 mai 2020 n’était pas dû par le preneur, au motif qu‘« il est de droit qu’une décision administrative ordonnant la suspension de l’exploitation d’un commerce équivaut à la perte de la chose louée [10] ».

1.2 Les aides consenties aux preneurs

Le communiqué de presse du 16 juin 2022 relève que le parquet général de la Cour de cassation avait versé aux débats une note du ministère de l’économie, des finances et de la relance relative à l’impact de la crise sanitaire sur les loyers des commerces, dont il ressort que :

  • « jusqu’à 45 % des établissements du commerce de détail ont été fermés durant la crise ;
  • le montant total des loyers et charges locatives ainsi immobilisés est estimé à plus de 3 milliards d’euros ;
  • ces entreprises ont pu bénéficier de trois dispositifs d’aides (fonds de solidarité, coûts fixes et aide loyers) se succédant dans le temps, ainsi que d’autres mesures de soutien ».

Outre les dispositifs d’aides susvisés pour faire face à la première vague de l’épidémie, le pouvoir exécutif a adopté des mesures ayant notamment pour objet de paralyser sous certaines conditions les effets de certaines clauses des baux commerciaux et professionnels, notamment des clauses pénales et des clauses résolutoires de plein droit, pendant une période donnée [11]. Aucune des mesures ainsi adoptées par les pouvoirs publics dans le cadre de la crise sanitaire n’avait remis en cause l’obligation de paiement des loyers, bien au contraire.

Par ailleurs, de nombreux preneurs avaient sollicité l’octroi de délais de paiement judiciaires dans la limite de deux ans, sur le fondement de l’alinéa 1er de l’article 1343-5 du Code civil. [12] Si la plupart [13] des décisions subordonnaient l’octroi de tels délais de paiement à la preuve d’éléments comptables ou financiers permettant d’attester « sa situation de trésorerie [14] » ou « de nature à justifier […] de son incapacité de régler le loyer et […] de perspectives sérieuses d’apurement de la dette »[15], les magistrats ont largement utilisé ce pouvoir, sans nécessairement justifier les délais octroyés.

Cette attitude des juges du fond, à la veille des arrêts de la Cour de cassation, pouvait être interprétée comme une volonté de décourager les tentatives d’exécution forcée initiées par certains bailleurs en invitant les parties, dans de nombreuses décisions, à négocier de bonne foi les modalités d’exécution de leurs contrats.

2. Les arrêts du 30 juin 2022

Les questions posées à la troisième chambre civile de la Cour de cassation, laquelle a sélectionné trois pourvois « pilotes » aux fins de dire le droit, étaient les suivantes :

  1. Les mesures prises par les autorités publiques écartent-elles le droit commun de la relation contractuelle ?
  2. L’interdiction de recevoir du public constitue-t-elle :
  • un cas de force majeure invocable par le locataire ?
  • un manquement du bailleur à son obligation de délivrance justifiant que le locataire se prévale du mécanisme de l’exception d’inexécution ?
  • une perte de la chose louée, au sens de l’article 1722 du code civil, permettant au locataire de solliciter une réduction du montant des loyers dus ?

2.1 Sur la forme : la Cour de cassation repense sa stratégie de communication

Il est remarquable que la Cour de cassation ait annoncé, dès le 16 juin 2022, la publication le 30 juin suivant de 3 arrêts portant sur l’obligation de paiement des loyers pendant les périodes de fermetures administratives [16], se prêtant ainsi à du « teasing » prétorien d’un genre nouveau.

En outre, la Cour de cassation a accompagné les arrêts du 30 juin 2022 de la publication d’un communiqué de presse « présentant de façon synthétique [les] apports juridiques principaux  [17]» de ces décisions.

Ce mode de communication, inédit pour la Haute Juridiction, s’inscrit dans le cadre des recommandations du rapport de la Commission de réflexion sur la « Cour de cassation 2030 », qui recommande, pour promouvoir « une Cour visible, intelligible, accessible », la modélisation d’une « stratégie proactive de communication, notamment sur les affaires d’intérêt public majeur [18]». C’est là une nouvelle communication de la cour suprême à laquelle il faudra sans nul doute s’habituer.

2.2 Sur le fond : la Cour de cassation se prononce en faveur des bailleurs

Par ces trois arrêts, la troisième chambre civile de la Cour de cassation écarte les arguments soulevés par les preneurs et tranche nettement en faveur des bailleurs, en confirmant que l’obligation de paiement des loyers n’était ni suspendue, ni neutralisée pendant le confinement.

Dans son communiqué de presse du 30 juin 2022, elle indique ainsi que :

« la mesure générale et temporaire d’interdiction de recevoir du public n’entraîne pas la perte de la chose louée et n’est pas constitutive d’une inexécution, par le bailleur, de son obligation de délivrance. Un locataire n’est pas fondé à s’en prévaloir au titre de la force majeure pour échapper au paiement de ses loyers ».

  • Perte de la chose louée : l’article 1722 du Code civil dispose que « si, pendant la durée du bail, la chose louée est détruite en totalité par cas fortuit, le bail est résilié de plein droit ; si elle n’est  détruite qu’en partie, le preneur peut, suivant les circonstances, demander ou une diminution du prix, ou la résiliation même du bail. Dans l’un et l’autre cas, il n’y a lieu à aucun dédommagement ».

Suivant la Cour de cassation [19], « l’interdiction de recevoir du public en période de crise sanitaire ne pouvait être assimilée à une perte de la chose louée au sens de l’article 1722 du code civil.

En effet, cette interdiction :

  • était générale et temporaire ;
  • avait pour seul objectif de préserver la santé publique ;
  • était sans lien direct avec la destination du local loué telle que prévue par le contrat.

Les commerçants n’étaient donc pas en droit de demander une réduction de leur loyer ».

  • L’obligation de délivrance : l’article 1719 du Code civil dispose que « le bailleur est obligé, par la nature du contrat, et sans qu’il soit besoin d’aucune stipulation particulière : […] de délivrer au preneur la chose louée […] d‘entretenir cette chose en état de servir à l’usage pour lequel elle a été louée […]  d‘en faire jouir paisiblement le preneur pendant la durée du bail […] ».

Suivant la Cour de cassation [20], « la mesure générale de police administrative portant interdiction de recevoir du public n’est pas constitutive d’une inexécution par le bailleur de son obligation de délivrance.

Dès lors, les commerçants ne pouvaient se prévaloir du mécanisme de l’exception d’inexécution pour suspendre le paiement de leurs loyers. »

  • La force majeure : l’article 1218 du Code civil dispose qu’ « il y a force majeure en matière contractuelle lorsqu’un événement échappant au contrôle du débiteur, qui ne pouvait être raisonnablement prévu lors de la conclusion du contrat et dont les effets ne peuvent être évités par des mesures appropriées, empêche l’exécution de son obligation par le débiteur.

Si l’empêchement est temporaire, l’exécution de l’obligation est suspendue à moins que le retard qui en résulterait ne justifie la résolution du contrat. Si l’empêchement est définitif, le contrat est résolu de plein droit et les parties sont libérées de leurs obligations dans les conditions prévues aux articles 1351 et 1351-1 [du Code civil] ».

Suivant la Cour de cassation [21], « il résulte de l’article 1218 du code civil que le créancier qui n’a pu profiter de la contrepartie à laquelle il avait droit ne peut obtenir la résolution du contrat ou la suspension de son obligation en invoquant la force majeure.

Dès lors, la cour d’appel a exactement retenu que le locataire, créancier de l’obligation de délivrance de la chose louée, n’était pas fondé à invoquer à son profit la force majeure ».

  • La bonne foi : l’article 1104 du Code civil dispose que « Les contrats doivent être négociés, formés et exécutés de bonne foi. Cette disposition est d’ordre public ».

Dans l’un des arrêts rendus le 30 juin 2022 [22] portant sur une affaire où le bailleur « avait pratiqué trois semaines seulement après la fin du confinement une mesure d’exécution forcée à l’encontre de son débiteur pour obtenir le paiement des loyers échus pendant la fermeture des locaux et ce, sans tentative préalable de renégociation du contrat pour l’adapter aux circonstances, autre qu’une proposition de report d’un mois de loyer sous la forme d’un commandement de payer », la Cour de cassation approuve la cour d’appel qui, après avoir constaté que ledit bailleur avait vainement proposé de différer le règlement du loyer d’avril 2020, « en a souverainement déduit que [ce dernier] avait tenu compte des circonstances exceptionnelles et ainsi manifesté sa bonne foi ».

3. Après les arrêts du 30 juin 2022

3.1 Une jurisprudence claire et tranchée

  • Le rejet des principaux arguments invoqués par les preneurs

La Cour de cassation tranche donc nettement en faveur des bailleurs en écartant scrupuleusement et un à un chacun des différents arguments invoqués par les preneurs dans les pourvois examinés :

  • Rejet de la perte de la chose louée ;
  • Rejet du manquement à l’obligation de délivrance du bailleur ;
  • Rejet de la force majeure ;

Rejet circonstancié du manquement à l’obligation de bonne foi [23].

  • Rejet de la théorie de l’absence de cause

Bien que cet argument ait été invoqué plus rarement devant les tribunaux, on aura égard à ce que le conseil d’un preneur avait notamment fait valoir que « si l’obligation de l’une des parties n’est plus remplie, quel qu’en soit le motif, l’obligation de l’autre devient sans cause et ne peut avoir aucun effet ».

Le moyen susvisé n’a pas prospéré devant la Cour de cassation, qui semble logiquement rejeter la théorie de la disparition de la cause pendant l’exécution du contrat.

  • Quid de l’imprévision de l’article 1195 du Code civil ?

On relèvera également que la Cour de cassation ne s’est pas prononcée le 30 juin dernier sur l’imprévision.

Dans la mesure où ce texte n’est pas d’ordre public, il est souvent écarté conventionnellement pour ne pas affecter la force obligatoire du bail commercial.

Le doute pourrait donc subsister pour les seuls baux ne comportant pas une telle dérogation.

Toutefois, plusieurs arguments militent en faveur du rejet de la théorie de l’imprévision dans ces contrats (cf. partie 1). Par exemple, il pourrait être soutenu que les conditions de fond nécessaires à l’application de l’article 1195 du Code civil (« changement de circonstances imprévisible lors de la conclusion du contrat », « exécution rendue excessivement onéreuse », etc.) ne sont pas réunies et, en particulier, que l’obligation de payer un loyer (obligation de somme d’argent) ne saurait être rendue « excessivement onéreuse » à exécuter, comme l’exige le texte relatif à l’imprévision.

3.2 Portée de la solution de la Cour de cassation

  • Par-delà les baux commerciaux

La mise à l’écart par la Cour de cassation de la perte de la chose louée (article 1722 du Code civil) ou encore de l’obligation de délivrance du bailleur (article 1719 du Code civil) ne concernent évidemment que les contrats de louage de chose.

Toutefois, elles ne sont pas propres au statut des baux commerciaux et devraient donc s’appliquer mutatis mutandis aussi bien à un bail commercial qu’à un bail civil ou à un bail professionnel [24].

Par ailleurs, la solution de la Cour de cassation concernant la force majeure (article 1218 du Code civil) ou encore son rejet de la théorie de l’absence de cause en cours d’exécution (voir ci-dessus) pourrait être généralisée à d’autres contrats que les baux [25].

  • Approche circonstanciée de la bonne foi

Dans l’arrêt du 30 juin 2022 traitant de la bonne foi [26], la Cour de cassation a considéré que le bailleur, « qui avait proposé de différer le règlement du loyer d’avril 2020 pour le report sur le 3ème trimestre, voire sur le 4ème trimestre », « avait tenu compte des circonstances exceptionnelles et ainsi manifesté sa bonne foi ».

Elle rejette ainsi l’argument du preneur, qui reprochait au bailleur d’avoir pratiqué « trois semaines seulement après la fin du confinement une mesure d’exécution forcée à l’encontre de son débiteur pour obtenir le paiement des loyers échus pendant la période de fermeture des locaux et ce, sans tentative préalable de renégociation du contrat pour l’adapter aux circonstances, autre qu’une proposition de report d’un mois de loyer sous la forme d’un commandement de payer ».

Le respect par le bailleur de son obligation d’exécuter le bail de bonne foi peut sembler relativement aisé à caractériser à la seule lecture de cette décision. Il n’en demeure pas moins que les juges exercent un contrôle certes restreint mais néanmoins manifeste du respect de cette obligation et tiennent pour cela compte du comportement des parties « au cas par cas ». Il était donc important côté bailleur d’être particulièrement vigilant sur ce point lors de l’état d’urgence sanitaire.

L’intérêt de ce fondement pour les preneurs doit par ailleurs être relativisé au regard de la sanction applicable : il est en effet de jurisprudence constante qu’un manquement au devoir de bonne foi se résout en dommages-intérêts en réparation du préjudice subi mais n’autorise pas le juge à réviser le contrat [27] ni a fortiori à suspendre ou neutraliser l’exigibilité des loyers.

 


[1]     Position de principe de la Cour de cassation : Cass. com. 16 septembre 2014 n°13-20.306. En ce sens, CA de Paris, 3 février 2021, 19/16222, CA de Grenoble, 5 novembre 2020, 16/04533 et TC de Lyon, 17 novembre 2020, 2020J00420.

[2]     TJ de Paris, 22 juin 2022, 20/08161

[3]     TJ de Paris, 25 février 2021, 8/02353

[4]     TJ de Paris, 10 juillet 2020, 20/04516

[5]     CA de Versailles, 12 décembre 2019, n° 18/07183

[6]     TJ de Paris, 22 juin 2022, n° 20/08161

[7]     CA de Paris, 2 juin 2022, 21/19284

[8]     M. Planiol et G. Ripert, Traité pratique de droit civil français, Contrats civils, LGDJ, 1932, n° 639

[9]     TJ de Paris, 28 octobre 2021, n°16/13087

[10]    TJ de La Rochelle, 23 mars 2021, 20/02428

[11]    Ordonnance n° 2020-306 du 25 mars 2020 relative à la prorogation des délais échus pendant la période d’urgence sanitaire et à l’adaptation des procédures pendant cette même période

[12]    « Le juge peut, compte tenu de la situation du débiteur et en considération des besoins du créancier, reporter ou échelonner, dans la limite de deux années, le paiement des sommes dues ».

[13]    Seule exception notable : une décision du Tribunal de commerce de Nancy du 16 décembre 2020 a octroyé des délais de paiement sans qu’aucun justificatif du preneur n’ai été rapporté aux motifs qu' »il ne peut être contesté que les fermetures administratives des commerces dits non essentiels a eu des répercussions immédiates et directes sur leur trésorerie à court et moyen terme ».

 

[14]    TC de Lyon, 17 novembre 2020, 2020J00420 (fond).

 

 

[15]    TJ de Grasse, 22 octobre 2020, 20/01120 (référé).

 

[16]    Communiqué de presse du 16 juin 2022 : « Baux commerciaux et état d’urgence sanitaire – L’interdiction de recevoir du public et l’obligation des locataires de payer leur loyer »

[17]    Ibid

[18]    Recommandation n°31 du rapport de la Commission de réflexion sur la « Cour de cassation 2030 »

[19]    Extrait du communiqué de presse du 30 juin 2022. La troisième chambre civile de la Cour de Cassation a rejeté ce fondement au motif que « L’effet de cette mesure générale et temporaire, sans lien direct avec la destination contractuelle du local loué, ne peut donc être assimilé à la perte de la chose, au sens de l’article 1722 du code civil » (pourvoi n°21-20.190) ou encore que « L’effet de cette mesure générale et temporaire, sans lien direct avec la destination contractuelle du local loué, ne peut être […] assimilé à la perte de la chose, au sens de l’article 1722 du code civil. » (pourvoi n° 21-20.127).

[20]    Extrait du communiqué de presse du 30 juin 2022. La troisième chambre civile de la Cour de Cassation a rejeté ce fondement au motif qu’ « ayant relevé que les locaux loués avaient été mis à disposition de la locataire, qui admettait que l’impossibilité d’exploiter, qu’elle alléguait, était le seul fait du législateur, la cour d’appel en a exactement déduit que la mesure générale de police administrative portant interdiction de recevoir du public n’était pas constitutive d’une inexécution de l’obligation de délivrance » (pourvoi n°21-20.190) ou encore que « l’effet de cette mesure générale et temporaire, sans lien direct avec la destination contractuelle du local loué, ne peut être, […] imputable aux bailleurs, de sorte qu’il ne peut leur être reproché un manquement à leur obligation de délivrance » (pourvoi n°21-20.127).

[21]    Extrait du communiqué de presse du 30 juin 2022 . La troisième chambre civile de la Cour de Cassation, après avoir relevé qu’« il résulte de l’article 1218 du code civil que le créancier qui n’a pu profiter de la contrepartie à laquelle il avait droit ne peut obtenir la résolution du contrat ou la suspension de son obligation en invoquant la force majeure », en déduit que « la cour d’appel a exactement retenu que la locataire, débitrice des loyers, n’était pas fondée à invoquer à son profit la force majeure » (pourvoi n°21-20.190).

[22]    Cass. civ. 3ème, 30 juin 2022, n°21-20.190.

[23]    Voir ci-après.

[24]    S’agissant des baux d’habitation, la question paraît largement dépourvue d’objet, les preneurs ayant été précisément confinés chez eux, sauf à envisager le cas d’un preneur « bloqué » à l’étranger pour cause de pandémie et d’interdiction de vols et qui n’aurait pu jouir de son logement…

[25]    Extrait de l’arrêt rendu sur le pouvoir n° 21-20.190 « Il résulte de l’article 1218 du code civil que le créancier qui n’a pu profiter de la contrepartie à laquelle il avait droit ne peut obtenir la résolution du contrat ou la suspension de son obligation en invoquant la force majeure. Dès lors, la cour d’appel a exactement retenu que la locataire, débitrice des loyers, n’était pas fondée à invoquer à son profit la force majeure. »

[26]    Cass. civ. 3ème, 30 juin 2022, n°21-20.190

[27]    Cass. 3e civ., 15 déc. 2016, n° 15-22.844. On rappellera aussi que, suivant la Cour de cassation, « la règle selon laquelle les conventions doivent être exécutées de bonne foi permet au juge de sanctionner l’usage déloyal d’une prérogative contractuelle, [pour autant] elle ne l’autorise pas à porter atteinte à la substance même des droits et obligations légalement convenus entre les parties » (Cass. 3e civ., 9 déc. 2009, n° 04-19.923).

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