Aux termes d’un arrêt rendu le 16 décembre 2021, la Cour d’appel de Douai a retenu l’application de l’article 1722 du Code civil (destruction de la chose louée) pour remettre en cause la saisie-attribution pratiquée par le bailleur pour obtenir le paiement des impayés de loyers et charges sur la période de fermeture administrative du premier confinement.
Dans cette affaire, le bailleur, agissant en vertu de la copie exécutoire de l’acte notarié d’un bail commercial, a fait pratiquer une saisie-attribution sur le compte bancaire du preneur en vue d’obtenir le paiement des impayés de loyers et charges notamment au titre du deuxième trimestre 2020.
Le preneur, spécialisé dans la vente de lingerie au public, a fait assigner le bailleur devant le juge de l’exécution aux fins de voir prononcer la nullité de la saisie-attribution et de voir ordonner sa mainlevée, en invoquant plusieurs moyens juridiques au titre du bail commercial à savoir, la destruction de la chose louée (article 1722 du Code civil), le manquement du bailleur à son obligation de délivrance (article 1719 du Code civil) et l’exception d’inexécution (article 1219 du Code civil).
La Cour d’appel de Douai retient l’application de l’article 1722 du Code civil (destruction de la chose louée), après avoir notamment relevé que :
-l’application de l’article 1722 du Code civil « n’est pas restreinte au cas de perte matérielle de la chose et s’étend à la perte juridique dans les cas où, par suite des circonstances, le preneur se trouve dans l’impossibilité de jouir de la chose ou d’en faire un usage conforme à sa destination, notamment à la suite de dispositions légales ou réglementaires ou d’une décision administrative. » ;
-« l’impossibilité d’user de la chose louée selon sa destination peut n’être que temporaire. » ;
-« entre le 15 mars 2020 et le 10 mai 2020, [le preneur] n’a pu […] utiliser les locaux loués conformément à leur destination essentielle, c’est à dire pour y recevoir sa clientèle» dans la mesure où l’activité de vente de lingerie au public exercée par le preneur « ne faisait pas partie des activités dites essentielles qui ont pu se poursuivre » pendant la période de fermeture administrative du premier confinement par application des arrêtés et décrets pris par les pouvoirs publics ;
-« l’impossibilité dans laquelle [le preneur] s’est trouvé[e] pendant la période en cause d’utiliser les lieux loués conformément à la destination convenue s’analyse en une perte partielle de la chose justifiant [que le preneur] soit, au titre de cette période, dispensé du paiement des loyers, l’absence de faute du bailleur étant inopérante.»
Si cet arrêt s’inscrit dans la continuité de nombreuses autres décisions retenant l’application de l’article 1722 du Code civil (TJ Paris, 27 octobre 2020 20/81460, TJ Paris, 20 janvier 2021, 20/80923, TJ Paris ,14 mai 2021, 20/81457), certains juges ont adopté une position opposée en écartant l’application de l’article 1722 du Code civil pour valider une saisie pratiquée par le bailleur (CA Paris, 3 juin 2021, 21/01679).
CA de Douai, 16 décembre 2021, n° 21/03259