Dans un jugement rendu le 22 juin 2022, le Tribunal judiciaire de Paris a écarté tous les moyens invoqués par le preneur, en ce compris l’article 1722 du Code civil (destruction de la chose louée), pour contester son obligation de paiement au titre du bail dans le contexte de la crise sanitaire.
Dans cette affaire, le bailleur et le preneur ont conclu un bail commercial portant sur un lot d’un immeuble en copropriété pour l’exercice de l’activité « fitness-danse et arts martiaux remise en forme – SPA – (…) ».
Pour se soustraire à son obligation de paiement de loyers et charges pour les périodes de confinement, le preneur a invoqué plusieurs moyens juridiques, notamment la destruction de la chose louée (article 1722 du Code civil), la force majeure (article 1218 du Code civil), le manquement à l’obligation de délivrance (article 1719 du Code civil), un manquement du bailleur à son obligation de bonne foi (article 1104 du Code civil) ou encore l’imprévision (article 1195 du Code civil).
Le Tribunal judiciaire de Paris a écarté tous les moyens ainsi invoqués, pour les motifs suivants :
– la destruction de la chose louée, au motif que « l’impossibilité d’exploiter les locaux pris à bail (…) du fait des mesures administratives adoptées par les pouvoirs publics résulte de la nature de l’activité économique exercée dans les lieux loués et non de la chose louée elle-même ».
– la force majeure, au motif que « il est de principe que le débiteur d’une obligation contractuelle de somme d’argent inexécutée ne peut s’exonérer de cette obligation en invoquant un cas de force majeure ».
– un manquement du bailleur à son obligation de bonne foi, au motif que le preneur « ne rapporte pas la preuve d’une exécution contractuelle de mauvaise foi» du bailleur, ce dernier ayant été force de proposition pour adapter temporairement les modalités d’application du bail commercial (mensualisation des échéances du troisième et quatrième trimestre 2020, renonciation à la perception d’un mois de loyer etc.).
– le manquement à l’obligation de délivrance et de jouissance paisible, au motif notamment que les locaux loués « sont demeurés aptes à remplir la destination pour laquelle ils ont été loués » pendant les périodes de fermetures administratives et que par ailleurs le « trouble de jouissance (…) du fait de la fermeture administrative du commerce imposée par les pouvoirs publics pour lutter contre la propagation de la pandémie de Covid-19, n’est pas garanti par le bailleur. »
– l’imprévision au motif que l’objet de cette disposition n’est pas « d’obtenir l’annulation pure et simple des échéances de loyers et de charges » mais de « procéder à un rééquilibrage durable et pour l’avenir des obligations réciproques des parties » ; le preneur « ne pouvait donc pas se dispenser unilatéralement de payer le loyer et les charges dus » au bailleur au motif que le bailleur « n’avait pas apporté la réponse espérée à sa demande d’adaptation » du bail commercial.
Si ce jugement s’inscrit dans la continuité d’autres décisions portant sur tout ou partie des moyens susvisés (par exemple, TJ de Paris, 28 octobre 2021, n°16/13087, TJ de Paris, 20 janvier 2022 n° n° 20/06670), certains juges du fond ont adopté une position contraire, notamment en retenant l’application de l’article 1722 du Code civil (destruction de la chose louée) pour autoriser le preneur à se soustraire à son obligation de paiement du loyer pendant les périodes de fermeture administrative liées à la crise sanitaire (par exemple, TJ de La Rochelle, 23 mars 2021, n°20/02428 ou TJ de Toulouse, 1er juillet 2021, n°21/02415).
TJ de Paris, 22 juin 2022, n° 20/08161