Le décret n° 2024-613 du 27 juin 2024 relatif à l’autorisation de fourniture d’électricité et à l’abattement du tarif d’utilisation des réseaux publics d’électricité vient d’être publié après plusieurs mois d’interrogations des acteurs du secteur, dans un contexte d’augmentation des projets de production d’électricité à partir d’énergies renouvelables. En effet, l’article 86 de la loi n° 2023-175 du 10 mars 2023 relative à l’accélération de la production d’énergies renouvelables soumet, à partir du 1er juillet 2023, les « producteurs d’électricité concluant un contrat de vente directe d’électricité à des consommateurs finals ou à des gestionnaires de réseaux pour leurs pertes », à l’obtention d’une autorisation de fourniture d’électricité, jusque-là réservée aux seuls cas d’achat pour revente.
Pour rappel, conformément à l’article L. 333-1 du code de l’énergie, sont désormais soumis à une autorisation préalable du Ministre en charge de l’énergie (i) les fournisseurs souhaitant exercer l’activité d’achat d’électricité pour revente à des consommateurs finals ou aux gestionnaires de réseaux pour leurs pertes, et (ii) depuis le 1er juillet 2023, les producteurs d’électricité concluant un contrat de vente directe d’électricité (ou power purchase agreement, PPA) avec un consommateur final ou un gestionnaire de réseaux pour ses pertes.
Par exception, les producteurs qui ne seraient pas titulaires d’une telle autorisation peuvent désigner un tiers déjà titulaire d’une telle autorisation afin qu’il assume, par délégation, les obligations incombant aux fournisseurs d’électricité auprès des consommateurs finals.
Cette autorisation élargie est donc susceptible de concerner un nombre d’acteurs dont l’objectif principal n’est pas d’être fournisseur d’électricité mais de valoriser leur production directement auprès d’un consommateur.
Le décret n°2024-613 apporte des précisions bienvenues sur les modalités de l’autorisation désormais dénommée « autorisation de fourniture » plutôt qu’ « autorisation d’achat pour revente », mais qui suscitent encore quelques interrogations.
Une clarification du champ des PPA concernés et du régime de l’autoconsommation collective
Bien que depuis plusieurs années les PPA se développent en France, particulièrement après la crise des marchés de l’énergie, ces contrats de gré à gré n’étaient que peu encadrés par le code de l’énergie. Le décret n°2024-613 les définit désormais, à la demande du Conseil Supérieur de l’Energie, à l’article R. 333-1 du code de l’énergie : « tout contrat ayant pour objet la vente d’électricité, d’un producteur raccordé au réseau métropolitain continental à un consommateur final à des fins de consommation finale ou à un gestionnaire de réseaux pour ses pertes, sans cession ultérieure ».
Cette définition permet de clarifier qu’en cas de conclusion par le producteur (i) d’un contrat intermédiaire comme les contrats d’agrégation, par lesquels un agrégateur valorise la production d’électricité, ou (ii) d’un PPA purement financier dans lequel l’électricité n’est pas vendue directement via le PPA, il ne serait pas soumis à une autorisation préalable de fourniture d’électricité car ces contrats ne devraient pas être des contrats de vente directe.
Néanmoins, les schémas d’autoconsommation collective, dans lesquels une vente d’électricité s’opère « entre un ou plusieurs producteurs et un ou plusieurs consommateurs finals liés entre eux au sein d’une personne morale », pourraient être concernés[1]. Ni le législateur, ni le décret n°2024-613 ne prévoient d’exclusion de l’autoconsommation collective. Pourtant, la Commission de régulation de l’énergie avait appelé à expliciter l’exclusion de l’autoconsommation collective du fait de sa particularité[2]. Ainsi, le producteur valorisant sa production au sein d’une opération d’autoconsommation collective serait susceptible d’être soumis à l’obligation de solliciter une autorisation de fourniture d’électricité ou de déléguer ses obligations à un fournisseur autorisé.
Des précisions sur les modalités de délégation des obligations
Le décret n°2024-613 précise que le producteur doit informer le ministre chargé de l’énergie « au moins un mois avant la prise d’effet de la délégation » et que la délégation « peut être renouvelée périodiquement et confiée à des tiers autorisés successifs différents », ce qui correspond à la pratique de marché. Généralement, les contrats intermédiaires de fourniture ou d’agrégation ont des durées plus courtes que les PPA.
Dans l’attente de la publication du décret commenté, le Ministère chargé de l’énergie avait déjà apporté des précisions sur son site internet sur le type de délégation et la publication d’un modèle de contrat de délégation parfaite à joindre au contrat de vente directe entre le producteur et le consommateur[3].
Des adaptations minimales de la procédure de demande d’autorisation de fourniture
Enfin, le décret n°2024-613 prévoit quelques adaptations du contenu du dossier de demande d’autorisation de fourniture d’électricité, notamment la prise en compte des caractéristiques techniques des installations de production sur lesquelles porte le PPA et des prévisions détaillées de production d’électricité.
Cependant, la même procédure s’applique aux producteurs en vente directe et aux fournisseurs exerçant une activité d’achat pour revente, sans que celle-ci soit allégée ou adaptée. Par ailleurs, l’obligation de solliciter une telle autorisation n’a pas été décalée et reste donc au 1er juillet 2023.
Les producteurs soumis à une telle autorisation se voient également imposer les mêmes obligations qu’un fournisseur classique, notamment en matière de continuité d’approvisionnement.
L’application de la procédure d’autorisation de fourniture aux producteurs concluant des contrats de vente directe d’électricité est susceptible de modifier dans les mois à venir l’architecture contractuelle des projets d’installations de production d’électricité avec l’ajout d’un intermédiaire par le contrat de délégation ou la soumission à des obligations complexes envers le consommateur final mais également complexifier les projets d’autoconsommation collective.
[1] Article L. 315-2 du code de l’énergie.
[2] Délibération n°2024-03 de la Commission de régulation de l’énergie du 18 janvier 2024 portant avis sur un projet de décret fixant les modalités de l’autorisation dont les producteurs d’électricité concluant un contrat de vente directe d’électricité à des consommateurs finals ou à des gestionnaires de réseaux pour leurs pertes doivent être titulaires
[3] https://www.ecologie.gouv.fr/politiques-publiques/autorisation-dachat-delectricite-revente