Par trois arrêts du 27 juin 2024 publiés au bulletin, la Cour de cassation a jugé qu’en cas de manquement du locataire à ses obligations de remise en état des locaux loués, le bailleur est tenu de prouver l’existence de son préjudice résultant de la faute du locataire, étant précisé que celui-ci s’apprécie à la date où le juge statue. Le locataire n’est donc pas tenu d’indemniser le bailleur, dès lors que les locaux ont été revendus ou reloués après son départ et que le bailleur ne prouve pas avoir engagé des dépenses au titre des réparations ni avoir subi une dépréciation du prix de revente.
En l’espèce, dans chacune de ces trois affaires rendues en matière de bail commercial, le bailleur a demandé la condamnation du locataire à lui verser des dommages et intérêts compte tenu du manquement de ce dernier à son obligation contractuelle de restitution des locaux loués.
Dans les deux premières affaires, la cour d’appel de Paris et la cour d’appel de Douai avaient alloué au bailleur des dommages et intérêts équivalents au coût de la remise en état des locaux loués alors que les bailleurs avaient respectivement revendu et reloué les locaux loués après le départ du locataire sans avoir subi de moins-value dans le cadre de la revente ni engagé de dépenses au titre des travaux de remise en état.
La Cour de cassation casse ces deux arrêts (n°22-21.272 et n°22-24.502) au motif que les juges n’ont pas constaté l’existence d’un préjudice du bailleur à la date à laquelle ils ont statué.
Dans la troisième affaire, la cour d’appel de Paris avait refusé d’allouer au bailleur des dommages et intérêts après avoir constaté l’absence de préjudice du bailleur compte tenu de (i) la vente des locaux loués trois mois après leur restitution sans que le bailleur n’effectue de travaux et (ii) l’absence de preuve quant à une éventuelle dépréciation du prix de revente en lien avec les manquements du preneur.
La Cour de cassation confirme cette décision (n°22-10.298).
En conséquence par ces trois arrêts, la Cour de cassation affirme que l’inexécution par le preneur de son obligation de remise en état des locaux loués n’ouvre pas de facto un droit à l’indemnisation du bailleur si ce dernier n’apporte pas la preuve de l’existence d’un préjudice, notamment eu égard aux circonstances postérieures au départ du locataire, telles que la relocation, la vente ou la démolition.
Ces trois arrêts confirment la jurisprudence de la Cour de cassation en la matière (Cass, 3e Civ., 3 décembre 2003, n°02-18.033). Dans cette décision, la Cour de cassation avait déjà affirmé que le locataire défaillant dans son obligation de remise en état n’était pas tenu d’indemniser le bailleur qui avait reloué les locaux à un tiers, dès lors que ce dernier avait lui-même réaménagé les locaux sans que le bailleur ne contribue à ces travaux ni ne consente le bail à des conditions plus défavorables.
Cass, 3ème civ, 27 juin 2024, n°22-21.272