Dans deux réponses ministérielles du 11 et 16 novembre 2021, le Gouvernement a apporté des précisions importantes relatives au transfert du droit à déduction de la TVA dans l’hypothèse d’une opération de démembrement de propriété d’un bien immobilier.
Pour rappel, l’administration fiscale précise dans sa doctrine administrative que lorsque la propriété d’un immeuble donne lieu à un démembrement en raison de la cession à un tiers de l’usufruit ou de la nue-propriété, la nue-propriété doit être regardée comme n’étant pas affectée à une activité économique imposable (BOI-TVA-IMM-10-30, §190). La TVA grevant l’acquisition de la nue-propriété d’un immeuble n’est donc pas déductible/récupérable par le nu-propriétaire.
Toutefois, par mesure de tolérance, l’administration fiscale a prévu un système de transfert du droit à déduction de la TVA au profit de l’usufruitier dès lors que ce dernier utilise le bien pour des opérations ouvrant droit à déduction. Par ailleurs, lors de l’extinction de l’usufruit, l’administration admet également que l’éventuelle taxe à régulariser de l’usufruitier soit transmise au nu-propriétaire devenu alors plein propriétaire du bien immobilier, à condition que ce dernier soit utilisé pour des opérations ouvrant droit à déduction (activité soumise à TVA exercée dans l’immeuble).
Cette possibilité a par ailleurs été étendue par une réponse ministérielle du 2 avril 2019 ( Réponse Ministérielle Éric Pauget du 2 avril 2019 n° 17425) aux opérations de démembrement de propriété intervenant ab initio (par exemple, lorsque le démembrement de propriété est opéré dès l’origine par une société de construction-vente assujettie à la TVA qui a construit l’immeuble).
Cela étant, lorsqu’une société acquiert l’usufruit et une autre société la nue-propriété, l’administration fiscale ne mentionne pas dans ses commentaires que le transfert du droit à déduction afférent à la nue-propriété puisse être effectué. Les commentaires ne visent en effet que l’hypothèse d’une société qui acquiert un bien immobilier en pleine propriété puis en cède la nue-propriété ou l’usufruit.
Dans la réponse Canévet, le Gouvernement confirme qu’une société, assujettie à la TVA, qui aurait acquis la nue-propriété d’un immeuble serait fondée à transférer son droit à déduction à l’usufruitier qui réaliserait par ailleurs une activité effectivement soumise à la TVA au titre du bien acquis. Le Gouvernement précise toutefois qu’il n’en va pas de même de la situation d’une société n’ayant à aucun titre la qualité d’assujetti antérieurement à l’acquisition de la nue-propriété (par exemple, SCI créée ad hoc uniquement pour l’acquisition de la nue-propriété en question).
La réponse Grau confirme quant à elle le bénéfice de la tolérance à l’extinction de l’usufruit en cas de démembrement ab initio, à condition que le nu-propriétaire possède la qualité d’assujetti lors du démembrement. Le Gouvernement confirme également que la dispense du paiement de la TVA prévue à l’article 257 bis du CGI s’applique en cas de reconstitution sur la tête du nu-propriétaire de la pleine propriété d’un bien affecté par l’usufruitier à une activité locative.
La qualité d’assujetti à la TVA du nu-propriétaire exigée par ces deux réponses ministérielles rend plus contraignant le bénéfice des tolérances initialement accordées par la doctrine administrative.
Réponse ministérielle Canévet, JO Sénat du 11 novembre 2021, n° 24228 ; Réponse ministérielle Grau, JO Assemblée Nationale du 16 novembre 2021, n° 39881