Dans un arrêt du 8 mars 2024, le Conseil d’Etat s’est prononcé sur les conditions à réunir pour que soit identifiée l’obligation pour un porteur de projet éolien de déposer une demande de dérogation « espèces protégées » et sur l’office du juge en matière de régularisation de l’autorisation environnementale.
Pour rappel, le seuil de déclenchement de la dérogation s’apprécie à l’aune de l’impact résiduel, soit l’impact brut réévalué après prise en compte des mesures d’évitement et de réduction (CE, avis, 9 décembre 2022, n°463563, voir notre article), à l’exclusion des mesures compensatoires (CE, 28 avril 2023, n°460471).
Par cet arrêt, le Conseil est venu préciser les conditions à réunir pour que soit identifiée l’obligation pour un porteur de projet éolien de déposer une demande de dérogation « espèces protégées ».
Le Conseil d’Etat a confirmé que les mesures de réduction (en l’espèce une mesure de bridage) proposées par le pétitionnaire doivent être prises en compte pour apprécier la nécessité d’une dérogation à l’interdiction de destruction d’espèces protégées : « 4. Le pétitionnaire doit obtenir une dérogation » espèces protégées » si le risque que le projet comporte pour les espèces protégées est suffisamment caractérisé. A ce titre, les mesures d’évitement et de réduction des atteintes portées aux espèces protégées proposées par le pétitionnaire doivent être prises en compte. Dans l’hypothèse où les mesures d’évitement et de réduction proposées présentent, sous le contrôle de l’administration, des garanties d’effectivité telles qu’elles permettent de diminuer le risque pour les espèces au point qu’il apparaisse comme n’étant pas suffisamment caractérisé, il n’est pas nécessaire de solliciter une dérogation » espèces protégées « . »
Les juges du fond ne pouvaient donc pas écarter les mesures de bridage qui constituaient des mesures de réduction pour apprécier la nécessité de déroger à l’interdiction de destruction d’espèces protégées.
Le Conseil d’Etat a également apporté une précision utile sur l’exercice par le juge administratif de son pouvoir de régularisation de l’autorisation environnementale : « le juge de l’autorisation environnementale peut, alternativement, après avoir constaté que les autres moyens dont il est saisi ne sont pas fondés, soit surseoir à statuer pour permettre la régularisation devant lui de l’autorisation environnementale attaquée lorsque le ou les vices dont elle est entachée sont susceptibles d’être régularisés par une décision modificative, soit limiter la portée ou les effets de l’annulation qu’il prononce si le ou les vices qu’il retient n’affectent qu’une partie de la décision ou une phase seulement de sa procédure d’instruction.»
Confronté à une autorisation environnementale entachée d’un ou plusieurs vices, le juge peut surseoir à statuer aux fins de régularisation ou limiter la portée ou les effets de l’annulation qu’il prononce. Mais il ne peut pas prononcer simultanément les deux mesures.
Pour rappel, la première faculté de régularisation est l’annulation partielle de l’autorisation environnementale, à laquelle succède une régularisation post-instance de l’irrégularité, opérée par l’administration sur demande du juge. La seconde faculté de régularisation dont bénéficie le juge de l’autorisation environnementale est le sursis à statuer avec régularisation dans l’instance au moyen d’une « autorisation modificative ».
Il convient donc de distinguer la régularisation en cours d’instance (sursis à statuer) et la régularisation à la suite de l’instance (annulation partielle).