Dans une décision du 6 décembre 2023, le Conseil d’Etat précise, à l’occasion d’un contentieux éolien, le critère du « risque » d’atteinte à des espèces protégées à prendre en compte pour déterminer si une dérogation « espèces protégées » est nécessaire.
Pour mémoire, le Conseil d’Etat, dans un avis contentieux du 9 décembre 2022, a indiqué dans quel cas se déclenche l’obligation pour un porteur de projet de demander une dérogation « espèces protégées » (cf. article Gide Real Estate du 13 décembre 2022).
Dans cet avis, le Conseil d’Etat a dégagé deux critères cumulatifs :
- la présence de spécimens d’espèces protégées sur la zone du projet, sans « que l’applicabilité du régime de protection dépende, à ce stade, ni du nombre de ces spécimens, ni de l’état de conservation des espèces protégées présentes » ; et
- le risque que le projet comporte pour les espèces protégées doit être « suffisamment caractérisé».
S’agissant de ce deuxième critère, le Conseil d’Etat a précisé que « les mesures d’évitement et de réduction des atteintes portées aux espèces protégées proposées par le pétitionnaire doivent être prises en compte ». Si ces mesures présentent, sous le contrôle de l’administration, « des garanties d’effectivité telles qu’elles permettent de diminuer le risque pour les espèces au point qu’il apparaisse comme n’étant pas suffisamment caractérisé, il n’est pas nécessaire de solliciter une dérogation ».
Dans sa décision du 6 décembre 2023, le Conseil d’Etat confirme ce critère de « risque suffisamment caractérisé » (dont les contours ont déjà été affinés dans un arrêt du Conseil d’Etat du 17 février 2023 cf. article Gide Real Estate du 3 mars 2023).
En effet, à l’occasion d’un contentieux portant sur une autorisation unique pour la réalisation d’un parc éolien qui ne comportait pas de dérogation « espèces protégées », le Conseil d’Etat considère « qu’en jugeant que l’autorisation litigieuse était illégale, faute de comporter la dérogation prévue par l’article L. 411-2 du code de l’environnement, au motif qu’il ne résultait pas de l’instruction que les mesures prévues par le pétitionnaire ou imposées par le préfet auraient été de nature à réduire à un niveau négligeable le risque que présentait le projet pour certaines espèces protégées alors qu’il lui appartenait d’apprécier si ce risque était suffisamment caractérisé, la cour administrative d’appel de Bordeaux a commis une erreur de droit. »
Il ressort de cette décision du 6 décembre 2023 que le critère à vérifier n’est pas celui du risque rendu « négligeable » en raison des mesures d’évitement et de réduction prévues par le pétitionnaire, mais bien celui du risque « suffisamment caractérisé » pour les espèces protégées.
Si la distinction entre un risque rendu « négligeable » et un risque « suffisamment caractérisé » reste sibylline, cette décision du Conseil d’Etat semble a priori favorable au porteur de projet de parc éolien, à l’instar de celle rendue le 17 février 2023.