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28 février 2023

Droit de préemption « Pinel » : retour sur les dernières actualités législatives et jurisprudentielles

L’article L.145-46-1 du Code de commerce, introduit par la loi dite « Pinel », prévoit un droit de préemption au profit du preneur à bail commercial de locaux « à usage commercial ou artisanal » lorsque leur propriétaire envisage de les vendre. Retour sur les dernières actualités législatives et jurisprudentielles concernant ce texte.

  1. Champ d’application

Cas des « bureaux commerciaux »

Dans une affaire concernant la vente de locaux abritant une « activité d’administra­tion de biens pour le compte d’autrui », la Cour d’appel de Rennes a retenu que cette activité est « commerciale par nature en application des dispositions des articles L.110-1 du Code de commerce ». Elle a ain­si jugé que « s’il est admis que les bureaux à usage professionnel doivent être exclus du droit de préemption, en revanche, les bureaux abritant une activité commer­ciale sont considérés comme des locaux à usage commercial tels que visés par l’ar­ticle L.145-46-1 du Code de commerce » et relèvent donc du champ d’application du droit de préemption « Pinel » (CA Rennes, ch. 1, 11 janvier 2022, n° 20/01661).

La Cour d’appel de Paris a retenu la même position pour la vente de locaux abritant une « activité d’administrateur de biens, de syndic de copropriété, de location et de transaction » et ce, bien que le bail précise que les locaux sont « à usage exclusif de bu­reaux commerciaux » (CA Paris, 1er décembre 2021, n°20/00194).

Liquidation judiciaire

Par un arrêt du 23 mars 2022, la Cour de cassation a jugé que « la vente de gré à gré d’un actif immobilier dépendant d’une liquidation judiciaire est une vente faite d’autorité de justice« . Elle en a déduit que les dispositions de l’article L.145-46-1 du Code de commerce « qui concernent le cas où le propriétaire d’un local commercial ou artisanal envisage de le vendre, ne sont pas applicables et qu’une telle vente ne peut donner lieu à l’exercice d’un droit de préemption par le locataire commercial » (Cass., com., 23 mars 2022, n° 20-19.174).

La Haute Juridiction a récemment confirmé cette position dans une affaire où le liquidateur judiciaire d’une société propriétaire de plusieurs actifs immobiliers a été autorisé à vendre l’un de ces immeubles : dans de telles circonstances, le bailleur n’envisage pas et ne décide pas de vendre les locaux loués mais y est contraint par la mise en œuvre de la procédure collective dont il fait l’objet, ce qui exclue l’application du droit de préemption Pinel (Cass., 3e Civ., 15 février 2023, n° 21-16.475).

En outre, par un arrêt rendu le 15 décembre 2022, la Cour de cassation, statuant à la suite de la transmission d’une question prioritaire de constitutionnalité (QPC), a considéré que l’exclusion du droit de préemption en cas de vente des locaux loués par adjudication ne saurait porter atteinte au principe d’égalité et à la liberté d’entreprendre du locataire (Cass., 3e Civ., 15 décembre 2022, n° 22-17.505).

Articulation avec le droit de préemption urbain

La loi dite « 3DS » a précisé que le droit de préemption « Pinel » n’est pas applicable « lorsqu’il est fait application du droit de préemption institué aux chapitres Ier et II du titre Ier du livre II du Code de l’urba­nisme ou à l’occasion de l’aliénation d’un bien sur le fondement de l’article L. 213-11 du même code », i.e. lorsque la collectivité compétente exerce son droit de préemp­tion urbain.

Cas d’une cession unique de locaux commerciaux distincts

Par un arrêt du 29 juin 2022 la Cour de cassation a précisé que le droit de préemption « Pinel » ne s’applique pas en cas de vente portant « sur des locaux commerciaux donnés à bail à des preneurs distincts » et ce, « peu impor­tant que ces locaux fussent situés dans le même immeuble et que la vente ait éga­lement porté sur un lot à usage d’habita­tion et sur des caves ». La Haute Juridiction a rappelé à cette occasion que les dispositions du dernier alinéa de l’article L.145-46-1 du Code de commerce prévoient expressément qu’il n’est pas applicable « dans le cas d’une cession unique de locaux commerciaux distincts » (Cass., 3e civ., 29 juin 2022, n° 21-16.452).

  1. Conditions d’exercice

Date de notification de l’offre de vente

Par un arrêt du 23 septembre 2021, la Cour de cassation a jugé, dans un cas où l’offre de vente a « été adressée préalable­ment à la vente » au preneur bénéficiant du droit de préemption « Pinel », que le pro­priétaire « avait pu confier un mandat de vente » puis « faire procéder à des visites du bien » avant la notification de cette offre. Elle a en outre jugé que le fait que le pro­priétaire ait conclu, postérieurement à la notification de l’offre de vente, « une pro­messe unilatérale de vente, sous la condi­tion suspensive tenant au droit de préfé­rence du preneur, n’invalidait pas l’offre de vente ». (Cass., 3e civ., 23 septembre 2021, n° 20-17.799)

Application dans le temps

Par un arrêt du 25 octobre 2022 concer­nant un compromis de vente conclu le 7 novembre 2014 sous condition suspen­sive de mise en œuvre de « tout droit de préemption […] susceptible de frapper les biens », la Cour d’appel de Lyon a retenu que « lorsque le compromis de vente a été signé, l’article L.145-46-1 du Code de com­merce n’était pas applicable » car entré en vigueur le 18 décembre 2014. Elle en a déduit que si, à cette date, « la vente n’avait pas encore été réitérée, la condition suspensive avait nécessairement été levée, en l’absence d’un quelconque titulaire d’un droit de préemption et/ou d’un pacte de préférence » et que « la vente était parfaite » (CA Lyon, 1ère ch. civ. B, 25 octobre 2022, n° 20/00285). La solution aurait vraisemblablement été diffé­rente si la signature du compromis était intervenue après l’entrée en vigueur de cet article.

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