Le juge administratif apporte une précision à la jurisprudence constante selon laquelle le délai de prescription trentenaire pendant lequel le préfet peut imposer à l’exploitant de nouvelles prescriptions, court à compter de la date de cessation de l’activité.
Le site industriel de manufacture de piles de la société « LECLANCHE » – devenue ALCATEL LUCENT participations – du quartier de Saint-Cybard à Angoulême avait cessé son activité en 1984 ; cependant, aucune déclaration de cette cessation d’activité n’avait alors été notifiée à l’administration. En 2011, une étude a révélé que les sols et les eaux souterraines de cet ancien site industriel étaient pollués par des solvants utilisés par la société LECLANCHE dans le cadre de ses activités.
Par un arrêté du 12 mars 2020, c’est-à-dire 36 ans après la cessation d’activité du site industriel de Saint-Cybard, la préfète de la Charente a mis en demeure la société ALCATEL LUCENT participations, en sa qualité d’ayant droit de la société LECLANCHE, de formaliser la cessation d’activité de ce site industriel et de lui notifier les différentes mesures prises afin d’en assurer la mise en sécurité.
La société ALCATEL LUCENT participations formait une requête devant le Tribunal administratif de Poitiers à l’encontre de cet arrêté du 12 mars 2020 en soulevant notamment que l’action de la préfète était prescrite ; le Tribunal de Poitiers, dans son jugement du 6 décembre 2022, rejette le recours. Cette décision s’inscrit donc dans la continuité de deux jurisprudences du Conseil d’Etat : la décision « Alusuisse-Lonza-France » du 8 juillet 2005 (n°247976), et la décision « Commune de Marennes » du 13 novembre 2019 (n°416860). En effet, d’une part, dans l’arrêt Alusuisse-Lonza-France de 2005, le Conseil d’Etat a jugé que la cessation définitive de l’exploitation de l’usine étant intervenue depuis moins de trente ans, l’action du préfet n’était pas prescrite. D’autre part, dans l’arrêt Commune de Marennes de 2019, le Conseil d’Etat a considéré que le délai de prescription trentenaire était bien écoulé que l’action du préfet était par conséquent tardive.
Ce jugement apporte cependant une précision supplémentaire à ces deux jurisprudences : le délai de prescription trentenaire ne peut commencer à courir qu’à compter de la déclaration de cessation d’activité effectuée par l’exploitant auprès de l’administration, conformément aux dispositions de l’article 34-1 du décret du 21 décembre 1977 pris pour l’application de la loi du 19 juillet 1976 relative aux installations classées (désormais codifié à l’article R.512-46-25 du Code de l’environnement).
Il est donc particulièrement important pour un exploitant de veiller à respecter son obligation de notification de cessation d’activité. En effet, en cas de manquement, outre au paiement d’une amende de la 5e classe en application de l’article R. 514-4 du Code de l’environnement, l’exploitant s’expose à ne pas bénéficier de l’écoulement du délai de prescription trentenaire.
Tribunal administratif de Poitiers, 6 décembre 2022, n°2002052