Par un arrêt du 13 avril 2023, la Cour de cassation a précisé que le nu-propriétaire d’un bien immobilier n’a pas qualité à agir au titre de la garantie décennale d’un ouvrage édifié par l’usufruitier et ce, tant que le démembrement de propriété n’a pas pris fin.
En l’espèce, un particulier a confié à deux entreprises la construction d’une piscine couverte sur un terrain dont il a l’usufruit, la nue-propriété appartenant à une société civile immobilière (SCI) dont il est par ailleurs associé-gérant. Postérieurement à la réception des travaux, l’usufruitier s’est plaint de l’apparition de désordres. La SCI, en qualité de nu-propriétaire, a assigné les constructeurs et leurs assureurs en indemnisation au titre de la garantie décennale.
Le Tribunal judiciaire compétent puis la Cour d’appel compétente ont successivement déclaré irrecevable l’action de la nue-propriétaire au motif que, contrairement aux exigences fixées par l’article 1792 du Code civil, la SCI ne présente :
- ni la qualité de maître d’ouvrage, entendue comme « la personne pour le compte de qui les travaux ont été réalisés », puisque les travaux litigieux ont été commandés et payés par l’usufruitier ;
- ni la qualité d’acquéreur de l’ouvrage, car le nu-propriétaire ne fera l’acquisition de la propriété de la nouvelle construction qu’ « à la fin de l’usufruit, et non au fur à mesure de leur édification ».
La SCI s’est alors pourvu en cassation, soutenant, d’une part, que le droit d’accession s’opère de plein droit et immédiatement au profit du propriétaire du sol pour les construction qui y sont édifiées et, d’autre part, qu’en cas de démembrement de la propriété, le nu-propriétaire conserve la qualité de maître d’ouvrage bien que l’usufruitier soit à l’origine des travaux.
Toutefois, la Cour de cassation a rejeté ce raisonnement et confirmé celui des juges du fond en précisant à cet égard que « le droit d’accession du nu-propriétaire du fonds sur lequel l’usufruitier édifie une construction nouvelle est régi, en l’absence de convention réglant le sort de cette construction, par l’article 555 du même code et n’opère, ainsi, qu’à la fin de l’usufruit ». Elle en a déduit que, l’usufruit n’ayant pas pris fin, la SCI n’est pas propriétaire des constructions nouvelles et n’a donc pas la qualité à agir à l’encontre des constructeurs sur le fondement de la garantie décennale.