La loi n° 2024-1039 du 19 novembre 2024 visant à renforcer les outils de régulation des meublés de tourisme à l’échelle locale, dite loi Le Meur, a été publiée au Journal officiel du 20 novembre 2024. Ce texte, qui vise à mieux réguler l’activité de location de meublés de tourisme, modifie substantiellement la législation sur le changement d’usage des locaux d’habitation.
- Vers une régulation renforcée de la location de meublés de tourisme
La régulation de la location de meublés de tourisme s’articule essentiellement autour des leviers suivants :
- Renforcement du pouvoir des communes
La procédure de déclaration avec enregistrement en mairie d’un meublé de tourisme sera généralisée, au plus tard le 20 mai 2026, quelle que soit la commune, qu’il s’agisse d’une résidence principale ou non, alors que cette procédure était jusqu’alors limitée aux seules communes où s’appliquait la législation sur le changement d’usage définie aux articles L. 631-7 et suivants du Code de la construction et de l’habitation (CCH). Des peines de 10.000 à 20.000 euros sont prévues en cas d’absence de déclaration ou de fausse déclaration.
Par ailleurs, les communes où s’applique la législation sur le changement d’usage ont désormais la possibilité de fixer des quotas d’autorisations temporaires qui pourront être délivrées sur tout ou partie de leur territoire, dans les conditions de l’article L. 631-7-1 A du CCH (voir ci-après). Elles auront également la possibilité de réduire à 90 (au lieu de 120) le nombre de jours de location en-deçà duquel le loueur est dispensé d’autorisation de changement d’usage lorsque le local constitue sa résidence principale.
- Nouvelles règles en matière de copropriété
Les règlements de copropriété déjà existants pourront, lorsqu’ils comportent une clause d’habitation bourgeoise, être modifiés à la majorité de l’article 26 pour interdire la location d’appartements en meublé de tourisme, alors que l’unanimité était jusque-là requise, et tout nouveau règlement devra se prononcer sur la possibilité ou non de louer des logements en meublé de tourisme.
Les propriétaires et les locataires ayant fait une déclaration en mairie devront en outre en informer le syndic, qui devra l’inscrire en point d’information à l’ordre du jour de la prochaine assemblée générale.
- Nécessité de produire un DPE
Les autorisations de changement d’usage, qu’elles soient définitives ou temporaires, ne pourront être délivrées que sur production d’un DPE classé au moins F en 2025, E en 2028 et D en 2034.
Le maire pourra par ailleurs demander au propriétaire d’un meublé de tourisme de lui transmettre dans un délai de deux mois le DPE en cours de validité : si le propriétaire loue ou maintient en location un meublé de tourisme qui ne respecte pas les niveaux de performance décrits ci-dessus, il sera puni d’une amende de 5.000 € par local concerné, sauf dans le cas de la location d’une résidence principale moins de 120 jours par an, réduit à 90 jours le cas échéant.
- Modification substantielle de la législation sur le changement d’usage des locaux d’habitation
La législation sur le changement d’usage tel que défini aux articles L. 631-7 et suivants du CCH est réformé en profondeur :
- Elargissement du champ d’application territorial
L’article L. 631-7 du CCH vise désormais l’ensemble des communes dans lesquelles la taxe annuelle sur les logements vacants est instituée, dont la liste est fixée par le décret n° 2023-822 du 25 août 2023 (et non plus les seules communes de plus de 200.000 habitants et celles des départements des Hauts-de-Seine, de la Seine-Saint-Denis et du Val-de-Marne). Il n’existe toutefois plus d’application de plein droit de cette législation puisque le texte prévoit désormais que ces communes peuvent s’y soumettre, sur décision de leur organe délibérant.
Ce faisant, il ne s’agit pas véritablement d’une évolution car ces communes avaient déjà la possibilité de s’y soumettre volontairement, aux termes de la précédente version de l’article L. 631-9 du CCH. Cet article conserve par ailleurs la possibilité pour les communes non visées par le décret précité de se soumettre volontairement à la législation sur le changement d’usage. En ce cas, la décision reviendra désormais à l’organe délibérant de l’établissement public de coopération intercommunale compétent en matière de PLU ou, à défaut, au conseil municipal et non plus au préfet. Cette délibération devra être motivée par un déséquilibre entre l’offre et la demande de logements entraînant des difficultés sérieuses d’accès au logement sur l’ensemble du parc résidentiel existant.
- Nouveaux critères de qualification de l’usage d’un local
Jusqu’à présent, un local construit avant le 1er janvier 1970 était réputé à usage d’habitation s’il était affecté à cet usage, à cette date de référence.
La loi Le Meur prévoit désormais qu’un local sera réputé à usage d’habitation s’il était affecté à cet usage :
-
- – à une date comprise entre le 1er janvier 1970 et le 31 décembre 1976 inclus, ou
- – à n’importe quel moment au cours des trente dernières années précédant la demande d’autorisation préalable de changement d’usage ou la contestation de l’usage.
S’agissant des locaux construits ou ayant fait l’objet de travaux après le 1er janvier 1970, l’article L. 631-7 maintient la disposition selon laquelle ceux-ci « sont réputés avoir l’usage pour lequel la construction ou les travaux ont été autorisés ». Toutefois, elle est complétée d’un nouvel alinéa aux termes duquel « Une autorisation d’urbanisme ayant pour conséquence de changer la destination de locaux à usage d’habitation ne constitue un mode de preuve valable que si elle est accompagnée d’une autorisation de changement d’usage », ce qui revient à anéantir toute valeur probante du permis de construire pourtant maintenue dans l’alinéa précédent. En d’autres termes, un local d’habitation faisant l’objet d’une autorisation d’urbanisme ayant pour conséquence d’en changer la destination ne perd son usage d’habitation que si une autorisation de changement d’usage a également été délivrée.
Précisons qu’un nouvel alinéa de l’article L. 631-7 prévoit que « L’usage d’habitation s’entend de tout local habité ou ayant vocation à l’être même s’il n’est pas occupé effectivement, notamment en cas de vacance ou lorsqu’il a fait l’objet d’un arrêté (…) », ce qui laisserait à penser qu’un local destiné à l’habitation pourrait être considéré de ce seul fait comme étant à usage d’habitation.
Enfin, la loi consacre la jurisprudence d’après laquelle la charge de la preuve incombe à celui qui veut démontrer un usage illicite.
- Evolution du régime des autorisations temporaires
L’autorisation temporaire telle que prévue à l’article L. 631-7-1 A du CCH peut être désormais délivrée à une personne morale (elle ne pouvait l’être qu’à une personne physique auparavant).
Dans les zones de quotas éventuellement instituées, seules des autorisations temporaires (en nombre limité) peuvent être délivrées pour une durée inférieure à cinq ans, selon « une procédure de sélection entre les candidats, qui prévoit des garanties de publicité et de transparence applicables de manière identique aux demandes initiales et aux demandes de renouvellement ».
Les locaux situés dans des résidences-services au sens de l’article L. 631-13 du CCH, lorsqu’ils sont loués en tant que meublés de tourisme hors des périodes dans lesquelles ils constituent une résidence principale, ne sont pas inclus dans lesdits quotas.
L’autorisation ne peut être demandée que si le changement d’usage est conforme aux stipulations contractuelles prévues dans le règlement de copropriété, à charge pour le demandeur d’en attester par la production d’une déclaration sur l’honneur.
- Durcissement des sanctions
Le montant de l’amende prévue à l’article L. 651-2 du CCH est doublé puisqu’il passe de 50.000 à 100.000 €. Par ailleurs, un nouvel article L. 651-2-1 prévoit que la personne qui se livre ou prête son concours à la commission de l’infraction prévue à l’article L. 651-2 s’expose à la même amende.
- Création d’une servitude de résidence principale
Le règlement du PLU peut délimiter, dans les zones urbaines ou à urbaniser, des secteurs dans lesquels toutes les constructions nouvelles de logements sont à usage exclusif de résidence principale, à condition que :
- la commune concernée soit listée au titre de l’article 232 du CGI (relatif à la taxe annuelle sur les logements vacants), ou
- les résidences secondaires représentent plus de 20 % du nombre total d’immeubles à usage d’habitation à l’intérieur du périmètre considéré.
Tout contrat de vente ou de location portant sur des constructions soumises à une telle obligation doit en porter la mention expresse, à peine de nullité.
Toute occupation d’un logement non conforme à cette servitude peut donner lieu à une série de sanctions, dont la résiliation du bail d’habitation (la loi de 1989 ayant été complétée en ce sens).