Dans un arrêt rendu le 19 mai 2022, la Cour d’appel de Versailles rappelle que le bailleur dispose d’un motif légitime pour solliciter une expertise au sens de l’article 145 du Code de procédure civile dès lors qu’« aucun texte relatif au bail commercial ne s’oppose à l’exercice par le juge des référés des pouvoirs que lui confère l’article 145 du Code de procédure civile » et qu’en l’espèce :
– « aucun juge du fond n’est saisi de demandes concernant l’indemnité d’éviction offerte par la bailleresse et l’indemnité d’occupation due par la locataire qui se maintient dans les lieux » ;
– « [les] évaluations [de ces indemnités] impliquent de nombreux paramètres ».
Pour mémoire, l’article 145 du Code de procédure civil prévoit que : « s’il existe un motif légitime de conserver ou d’établir avant tout procès la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d’un litige, les mesures d’instruction légalement admissibles peuvent être ordonnées à la demande de tout intéressé, sur requête ou en référé. »
Dans cette affaire, le bailleur a délivré congé avec refus de renouvellement et offre d’indemnité d’éviction à effet au 26 avril 2021, date de la fin du bail commercial.
Le bailleur a ensuite fait assigner en référé le preneur aux fins d’obtenir principalement la désignation d’un expert sur le fondement de l’article 145 du Code de procédure civile pour rechercher notamment :
– « tous éléments de nature à déterminer l’indemnité susceptible d’être due par la locataire au titre de son occupation des lieux à compter du 27 avril 2021 et jusqu’à leur libération effective ; » et
– « tous éléments permettant de déterminer le montant de l’indemnité d’éviction susceptible d’être due à la suite du congé délivré le 26 octobre 2020 ; ».
Par ordonnance contradictoire rendue le 9 juillet 2021, le juge des référés du Tribunal judiciaire de Versailles a dit n’y avoir lieu à référé sur la demande d’expertise.
La Cour d’appel de Versailles, après avoir relevé que le bailleur justifie avoir signifié au preneur un congé avec refus de renouvellement et offre d’indemnité d’éviction, infirme l’ordonnance du juge de référé et valide la demande d’expertise pour les motifs ci-avant rappelés (aucun texte relatif au bail commercial ne s’y oppose, absence de saisine du juge du fond et implication de nombreux paramètres pour les besoins de l’évaluation des indemnités).
Ainsi, la décision de la Cour d’appel de Versailles s’inscrit dans la continuité de la jurisprudence constante de la Cour de Cassation ayant validé la pratique consistant à solliciter en référé, après la délivrance d’un congé avec refus de renouvellement, la désignation de l’expert chargé de recueillir les éléments nécessaires à la détermination de l’indemnité d’éviction et de l’indemnité d’occupation sur le fondement de l’article 145 du Code de procédure civile (en ce sens, Cass. 3e civ., 18 déc. 2002, n° 01-14.202, Cass. 3e civ. 16-4-2008 n° 07-15.486).
Ca de Versailles, 19 mai 2022, n° 21/06131