Dans un arrêt rendu le 12 octobre 2022, la Cour de cassation a jugé que « l’obligation de remettre le site en état [incombe] au locataire exploitant ayant mis l’installation à l’arrêt définitif ». La seule intention du bailleur propriétaire de reprendre l’exercice d’une activité industrielle sur le site classé est ainsi « sans incidence sur l’obligation légale particulière de mise en sécurité et remise en état du site pesant sur le dernier exploitant » ayant déposé en préfecture un dossier de cessation définitive d’activité sur ce site classé.
En outre, la Cour de cassation considère qu’à défaut d’avoir « effectué les mesures de remise en état qui lui incombaient tant au titre de la législation sur l’environnement que du bail commercial », le locataire est redevable « d’une indemnité d’occupation (…) par référence au loyer contractuel ».
Dans cette affaire, le bailleur et le locataire ont conclu un bail commercial portant sur un « site industriel » relevant du régime des installations classées pour la protection de l’environnement (ICPE).
Le locataire a donné congé à effet au 31 janvier 2013 et a déposé en préfecture un dossier de cessation définitive des activités exploitées avec effet au 15 janvier 2013.
Le locataire a refusé d’exécuter les travaux de remise en état préconisés par la Direction départementale de l’environnement, de l’aménagement et du logement (la « DREAL »).
Le bailleur a assigné le preneur en indemnisation du coût de la remise en état du site et en paiement d’une indemnité d’occupation.
En défense, le locataire considérait ne pas être tenu de l’obligation de remise en état, dès lors que le bailleur avait manifesté son intention « de reprendre l’exploitation du site par [lui]-même ou par l’intermédiaire d’un repreneur », et revendiquait « dans le cadre des opérations d’expertise, (…) le maintien sur le site d’équipements essentiels à l’activité de récupération de métaux et permettant que le site demeure opérationnel pour poursuivre l’activité précédemment exercée par » le locataire.
La Haute juridiction a rejeté les arguments invoqués par le locataire en considérant que la seule intention du bailleur propriétaire de reprendre l’exercice d’une activité industrielle sur le site classé est « sans incidence sur l’obligation légale particulière de mise en sécurité et remise en état du site pesant sur le dernier exploitant », après avoir relevé que :
– il résulte des articles L. 512-6-1 et R. 512-39-1 et suivants du Code de l’environnement que « lorsqu’une installation classée pour la protection de l’environnement est mise à l’arrêt définitif, la mise en sécurité et la remise en état du site incombent au dernier exploitant, les mesures nécessaires devant être prises ou prévues dès l’arrêt de l’exploitation » ;
– le locataire, dernier exploitant du site, a « déposé en préfecture le 13 décembre 2012 un dossier de cessation d’activité des installations exploitées » en application de l’article R. 512-66-1 du Code de l’environnement, « avec cessation d’activité effective à compter du 15 janvier 2013 » ;
– « les travaux de dépollution réalisés par apports de terre étaient insuffisants et non conformes aux préconisations de la Direction départementale de l’environnement, de l’aménagement et du logement (la DREAL) quant à leurs caractéristiques chimiques ».
Cette décision vient confirmer la jurisprudence constante, et conforme à la législations des installations classées, au terme de laquelle l’obligation de remise en état incombe au dernier exploitant des activités concernées.
Le dernier exploitant peut se voir décharger de cette obligation uniquement dans l’hypothèse d’un transfert du titre fondant l’exploitant au terme – selon les cas – d’une déclaration ou d’une autorisation de changement d’exploitant – ou, le cas échéant, d’une reprise effective de l’activité par un tiers.
En l’espèce, la Cour de cassation confirme que le locataire est le dernier « exploitant ayant mis l’installation à l’arrêt définitif », et donc seul redevable de l’obligation de remise en état, quelle que soit l’intention du bailleur et en l’absence de toute déclaration ou autorisation de changement d’exploitant.
Par ailleurs, le locataire estimait ne pas être redevable d’une indemnité d’occupation dans la mesure où l’inexécution des travaux de remise en état ne s’opposait pas « compte tenu de leur ampleur limitée, à l’exploitation du bien par le bailleur, et notamment à sa relocation partielle ».
La Cour de cassation rejette cet argument en considérant que :
– « les travaux préconisés par l’expert en dépollution, précisés en juillet 2017 par la DREAL, consistant, après évacuation des terres d’apport déjà utilisées, dans la réalisation d’un remblai avec des terres d’apport aux caractéristiques chimiques compatibles avec le site, dans la protection des travailleurs contre l’inhalation de substances en intérieur et extérieur et dans la protection de la nappe phréatique par une étanchéité des terrains par tout moyen efficace, constituaient un pré-requis à la remise en exploitation du site pour un usage industriel. »
– « l’expert désigné pour se prononcer sur les dégradations et désordres à l’issue du bail avait indiqué que la dégradation des terre-pleins, qui empêchait la libre circulation des camions sur les plates-formes de chargement et de déchargement des différents matériaux, rendait impossible la remise du site en location »
A l’aune de ces constatations, la Cour de cassation valide la décision de la Cour d’appel qui a considéré qu’à défaut d’avoir « effectué les mesures de remise en état qui lui incombaient tant au titre de la législation sur l’environnement que du bail commercial », le locataire est redevable « d’une indemnité d’occupation (…) par référence au loyer contractuel ».
Cette décision s’inscrit dans la continuité de la décision rendue le 11 mai 2022 par la Cour de cassation (Cass. 3e civ., 11 mai 2022, n° 21-16348).
Cass. 3e civ. , 12 octobre 2022, n° 21-20.970