Par un arrêt en date du 25 janvier 2023, la Cour de cassation a jugé que le preneur à bail commercial expulsé par application d’une décision de justice infirmée est en droit de se voir octroyer une indemnité réparant sa perte d’exploitation au motif qu’il a été privé de la possibilité de poursuivre son activité commerciale dans les locaux loués.
En l’espèce, deux baux commerciaux portant sur des locaux à usage d’hôtel, bar-restaurant et organisation de réception, ont été consentis par un bailleur à un preneur. En raison de défauts de paiement, le bailleur a assigné le preneur en référé en acquisition des clauses résolutoires des baux.
Une ordonnance rendue en référé, confirmée en appel par un arrêt rendu le 1er octobre 2015 a donné droit à la demande du bailleur et ordonné l’expulsion du preneur.
Le preneur, expulsé des locaux loués en exécution de l’ordonnance susvisée, s’est pourvu en cassation et a obtenu la cassation de l’arrêt d’appel susvisé, tandis que la Cour d’appel de renvoi a infirmé les termes de l’ordonnance initiale. Parallèlement, le preneur a assigné le bailleur pour demander l’annulation des commandements de payer et du procès-verbal d’expulsion, sa réintégration et l’indemnisation des préjudices subis du fait de cette expulsion. Le preneur a ensuite été placé en liquidation judiciaire.
Par un arrêt au fond, la Cour d’appel compétente a constaté la nullité des commandements visant la clause résolutoire et condamné le bailleur à indemniser le preneur de la perte de son ses deux fonds de commerce, sa réintégration dans les locaux loués étant impossible. Elle a en revanche rejeté la demande d’indemnisation complémentaire du preneur à l’encontre du bailleur au titre de la perte de son chiffre d’affaires depuis la date de son expulsion.
Le mandataire liquidateur a fait grief à l’arrêt susvisé d’avoir rejeté cette demande d’indemnisation complémentaire, ce dernier alléguant que la restitution à laquelle avait le droit le preneur : « devait inclure les pertes d’exploitation subies jusqu’au versement de l’indemnité d’éviction ».
La Cour de cassation a alors cassé l’arrêt susvisé en ce qu’il a rejeté la demande d’indemnisation complémentaire formulée par le preneur à raison de sa perte de chiffre d’affaires depuis la date de son expulsion sur le fondement des articles suivants :
- l’article L.145-14 du Code de commerce, portant définition de l’indemnité d’éviction ;
- l’article L.145-28 du Code de commerce, selon lequel le preneur à bail commercial a droit au maintien dans les lieux jusqu’au complet paiement de l’indemnité d’éviction ; et
- l’article L.111-10 du Code des procédures civiles d’exécution, qui dispose que l’exécution forcée est poursuivie aux risques du créancier.
La Cour de cassation a en effet considéré que « la privation de la possibilité de poursuivre, dans les locaux, une activité commerciale jusqu’au paiement de l’indemnité d’éviction, en méconnaissance du droit du locataire au maintien dans les lieux, occasionne à ce dernier un préjudice qu’il appartient au juge d’évaluer ».