La Cour administrative d’appel de Marseille admet que, lorsque le pétitionnaire ignore légitimement l’intervention d’une autorisation d’urbanisme tacite, la caducité prévue par l’article R. 424-17 du code de l’urbanisme ne saurait lui être opposée.
Dans cette affaire, un particulier a déposé en mairie une déclaration préalable (DP) portant notamment sur la réfection et la surélévation de la toiture de sa maison, le 24 juillet 2018. Le 2 août 2018, la commune l’a informé :
- d’une part, de la majoration du délai d’instruction de sa DP, porté à 3 mois au motif que le projet nécessitait l’accord du préfet et la consultation de la commission départementale de la nature, des paysages et des sites (CDNPS) ;
- d’autre part, de l’incomplétude de son dossier, ce dernier ne comportant notamment pas le formulaire prévu pour l’examen par cette commission.
A défaut d’avoir fourni cette pièce dans le délai de trois mois qui lui était imparti, le déclarant a considéré qu’une décision tacite d’opposition était née, dont il a demandé l’annulation au TA de Marseille.
Par un jugement du 3 février 2022, le TA a annulé la décision tacite d’opposition et enjoint à la commune de statuer sur la DP.
Saisie d’un appel contre ce jugement par la commune, la CAA de Marseille considère, à la lumière de la décision Commune de Saint-Herblain du Conseil d’Etat du 9 décembre 2022 (n° 454521), que dans la mesure où :
- d’une part, le formulaire destiné à l’examen du dossier par la CDNPS n’est pas au nombre des pièces et informations exigibles limitativement listées par le code de l’urbanisme, et
- d’autre part, la CNDPS n’a pas été effectivement consultée,
le délai d’instruction n’a pas été régulièrement prorogé, et la demande de pièces complémentaires formulée par la commune ne pouvait faire obstacle à la naissance d’une décision tacite de non-opposition.
Contrairement à ce qu’il pensait, le déclarant était donc bien titulaire d’une décision favorable, née à l’issue du délai d’instruction de droit commun d’un mois.
La CAA en tire plusieurs conséquences :
- le déclarant n’était pas recevable à demander au TA l’annulation d’une décision tacite d’opposition ;
- le TA ne pouvait annuler une décision inexistante ;
- la décision d’opposition à DP, prise par le maire en exécution du jugement du TA de Marseille, (i) se trouve privée de base légale par l’effet de l’annulation de ce jugement et (ii) ne saurait avoir légalement retiré la décision tacite de non-opposition, née à l’expiration du délai d’instruction de droit commun ;
- la constatation de l’existence d’une décision tacite de non-opposition implique nécessairement qu’un certificat de non-opposition à DP soit délivré au déclarant ; la Cour adresse une injonction en ce sens au maire (quand bien même les conclusions aux fins d’annulation présentées le déclarant en première instance étaient irrecevables).
Il s’agissait par ailleurs de savoir si la décision tacite de non-opposition à DP, dont l’existence est constatée par la Cour plus de trois ans après son intervention, demeurait valide ou était au contraire caduque.
Pour mémoire, en application de l’article R. 424-17 du code de l’urbanisme, et hors prorogation, une décision de non-opposition à DP est périmée si les travaux autorisés ne sont pas entrepris dans les trois ans suivant la date à laquelle la décision tacite est intervenue.
L’application stricte de ce texte aurait pu conduire la Cour à constater l’existence d’une décision tacite de non-opposition à DP mais aussi sa caducité.
La Cour adopte au contraire une approche pragmatique, en considérant que la caducité ne pouvait être opposée au déclarant, qui a été tenu dans l’« ignorance légitime » de la décision de non-opposition à DP :
- par le maire, tout d’abord, qui lui a indiqué à deux reprises qu’à défaut de produire les pièces complémentaires demandées, une décision tacite d’opposition interviendrait ;
- par l’état de la jurisprudence administrative, ensuite, qui – antérieurement à la décision précitée du Conseil d’Etat du 9 décembre 2022 – ne reconnaissait pas que l’illégalité d’une demande de l’administration tendant à la production d’une pièce complémentaire non requise puisse avoir pour effet de rendre le pétitionnaire titulaire d’une décision implicite de non-opposition.
La Cour ne précise toutefois pas à quelle date le délai de péremption commencerait alors à courir ; sans doute y a-t-il lieu de considérer que, dans ces circonstances, le délai de trois ans débute à la date de lecture de la décision juridictionnelle constatant l’existence de la décision de non-opposition à DP.