Aux termes d’un arrêt rendu par la Cour de cassation le 25 janvier 2023, « la prohibition des engagements perpétuels n’interdit pas de conclure un pacte d’associés pour la durée de vie de la société, de sorte que les parties ne peuvent y mettre fin unilatéralement » .
Cet arrêt a été rendu par la 1ère chambre civile après délibération de la chambre commerciale, ce qui a son importance quant à la portée de la décision.
Un pacte d’associés conclu entre un père, ses cinq enfants et d’autres actionnaires d’une société par actions simplifiée avait été résilié de manière unilatérale par certains actionnaires ayant été par la suite assignés pour rupture abusive.
La Cour d’appel avait déclaré que le pacte conclu pour la durée restant à courir de la société représentait une durée excessive, assimilable à une durée indéterminée et en avait ainsi déduit que la résiliation unilatérale du pacte avait été régulière.
L’arrêt sur ce point est censuré par la Cour de cassation au visa de l’article 1134 alinéa 1er du Code civil dans sa rédaction antérieure à celle issue de l’ordonnance du 10 février 2016 (force obligatoire des contrats) et de l’article 1838 du Code civil (durée d’une société ne pouvant excéder 99 ans), admettant ainsi la licéité des pactes d’associés conclus pour la durée de vie de la société.
En conséquence, un pacte conclu entre associés pour la durée restant à courir de la société, serait-elle de 99 ans, est un contrat à durée déterminée auquel on ne peut mettre fin de manière unilatérale puisqu’ils ne peuvent être assimilés à des engagements perpétuels.
La Cour de cassation n’avait jamais fixé une telle solution de principe, étant précisé qu’elle avait même assimilé à un contrat à durée indéterminée (et par là même susceptible de résiliation unilatérale à tout moment) un pacte prévu pour durer aussi longtemps que ses parties conserveraient la qualité d’actionnaires de la société (Cass. com., 6 nov. 2007, n° 07-10.620). Cette solution inédite est d’autant plus marquante que la Cour vise expressément la situation des pactes d’associés et de la durée de vie de la société, sans faire de distinction entre les associés personnes physiques et personnes morales.
L’arrêt ne précise pas que la prorogation de la société aboutirait ipso facto à la prorogation du pacte pour une durée équivalente, mais l’on peut penser qu’a minima, cette prorogation conjointe devra avoir été expressément prévue dans le pacte ; tel était en tout état de cause le sens d’une position récente de la Cour d’appel de Paris sur cette problématique, qui validait au surplus déjà la durée d’un pacte d’associés, conclu en l’espèce entre personnes morales, calquée sur celle de la société (CA Paris, 15 déc. 2020, n° 20/00220).
Enfin, il convient toutefois de dissocier la question de la durée du pacte envisagée globalement de celle de la durée de certaines de ses clauses, qui doit être « limitée » (ce qui n’est pas équivalent à une simple durée « déterminée »). En présence d’un pacte ayant une durée longue, certaines clauses devront, le cas échéant, être prévues pour une durée spécifique plus limitée. Tel est ainsi le cas à propos des clauses d’inaliénabilité, pour la stipulation desquelles la loi fixe un plafonnement statutaire de 10 ans en matière de sociétés par actions simplifiées et la jurisprudence exige de manière générale une durée « limitée ». Tel est encore le cas en matière de conventions de vote, soumises à une semblable durée limitée en vertu d’une jurisprudence rare mais constante.