Le maire de Bordeaux a délivré en septembre 2017 un permis de construire pour trois maisons individuelles, permettant la création totale de trois logements. Une demande de permis modificatif a ensuite été rejetée au motif que le projet emportait la création de non pas trois logements, mais neuf, et ne respectait ainsi pas les dispositions du PLU de Bordeaux Métropole relatives au stationnement. Ce refus a été contesté par le pétitionnaire et annulé en premier ressort, puis le litige a été élevé en appel par Bordeaux Métropole à qui la Cour administrative d’appel donne raison par l’arrêt commenté ci-après.
A titre liminaire, relevons que le PLU de Bordeaux Métropole n’ayant pas été révisé sous la forme de la Loi ALUR, se réfère encore aux neuf destinations de l’ancien article R. 123-9 du code de l’urbanisme, et non aux nouvelles destinations et sous-destinations des articles R. 151-27 et 151-28 du code de l’urbanisme. Il n’opère donc pas de distinction, pour les projets relevant de la destination « habitation », entre les sous-destinations « logement » et « hébergement ».
Dans ce cadre, la disposition applicable au projet litigieux, relative aux modalités de calcul des places de stationnement, prévoit que pour les constructions à destination d’habitation, le nombre de places de stationnement est calculé en fonction du nombre de logements créés, sans aucune distinction entre les différentes « formes » d’habitat.
Au contraire, selon le PLU, « dès lors que des logements se situent à moins de 500 m d’une gare ou d’une station de transport public guidé ou de transport collectif en site propre, et que la qualité de desserte le permet, le nombre de places de stationnement exigibles ne peut dépasser :
– 0,5 place par logement pour la construction de logements financés avec un prêt aidé de l’Etat, d’établissements assurant l’hébergement des personnes âgées et de résidences universitaires;
– 1 place par logement pour les autres catégories de logements ».
Il résulte de ces dispositions que :
- les auteurs du PLU ont considéré qu’il existait des « logements» au sein des résidences séniors et des résidences universitaires, alors même que celles-ci relèvent désormais de la sous-destination « hébergement » ;
- toutes les formes d’habitat autres que celles qui bénéficient d’un prêt aidé de l’Etat ou qui sont réservées aux séniors ou aux étudiants se voient appliquer la règle relative aux « autres catégories de logements».
La CAA de Bordeaux, en validant le refus opposé à la multiplication du nombre de logements du fait de leur transformation en nombreuses unités de coliving, et du déficit de places de stationnement qui en découle (moins d’une place par logement créé), n’a donc pas entendu rattacher – par principe – ces locaux à la sous-destination « logement », au détriment de la sous-destination « hébergement ». Elle n’a fait qu’appliquer rigoureusement pour chacun des logements aménagés en unités de coliving les dispositions du PLU relatives aux « autres catégories de logements ».
Le simple visa, par la Cour, de l’arrêté du 10 novembre 2016 définissant les nouvelles destinations et sous destinations n’apparaît pas non plus de nature à consacrer l’interprétation selon laquelle tout aménagement en coliving devrait relever de la sous-destination « logement ».
Cette qualification est en réalité largement dépendante des caractéristiques des projets, pouvant relever également d’une destination hôtelière. Une analyse au cas par cas continue donc de s’imposer.
L’arrêt précisément motivé rendu par la CAA de Bordeaux présente en revanche un intérêt pour la méthode qu’elle a retenue pour déterminer le nombre de logements réalisés par la transformation de trois maisons en plusieurs unités de coliving.
La Cour se réfère à un faisceau d’indices pour apprécier si chacune des maisons constitue un logement unique ou si chaque chambre créée, i.e. chaque unité de coliving, dans ces maisons doit être qualifiée de logement.
Elle relève d’une part l’existence :
- de parties communes dans les maisons, à savoir deux grandes cuisines équipées, une pièce de vie, une buanderie et un jardin, accessibles à tous les colocataires ;
- un compteur d’eau et d’électricité commun.
Mais aussi, d’autre part :
- la conclusion d’un bail distinct pour chaque locataire ;
- la présence d’une salle d’eau et de toilettes individuelles dans la plupart des chambres ;
- l’aménagement d’une serrure et d’un œilleton dans la plupart des chambres ;
- l’existence d’un « coin-cuisine » ou d’un lave-linge dans certaines des chambres.
Les juges se livrent ainsi à une appréciation in concreto de la nature précise des locaux, se fondant notamment sur des visites des lieux, des photographies ou encore les mentions en ligne sur le site Internet de location.
La Cour en conclut que, dès lors que les locataires bénéficient, s’ils le souhaitent, d’une totale autonomie en ne dépendant pas des services proposés dans les parties communes des bâtiments, chacune des chambres constitue un logement à part entière pour l’application des règles de stationnement.
Affaire à suivre.