Par un arrêt en date du 6 avril 2023, la Cour de cassation a rappelé que le versement au preneur par le bailleur du coût de travaux de remise en état des locaux incombant au bailleur pour que le preneur réalise lui-même ces travaux ne constitue pas la réparation d’un préjudice mais une avance sur l’exécution des travaux, de telle sorte que le bailleur peut exiger du preneur l’exécution des travaux ainsi financés.
En l’espèce, un preneur à bail commercial a assigné son bailleur en exécution de travaux de remise en état du clos et du couvert, ainsi qu’en indemnisation du préjudice d’exploitation ainsi subi. La liquidation judiciaire du preneur ayant été prononcée, le liquidateur qui a repris l’instance a invoqué un manquement du bailleur à son obligation de délivrance pour demander sa condamnation au paiement du coût des travaux de remise en état et de dommages et intérêts.
Les juges du fond ayant jugé la demande du preneur recevable et ont condamné le bailleur à payer au preneur le coût des travaux de mise en en état du clos et du couvert.
le bailleur s’est alors pourvu en cassation afin de contester sa condamnation au paiement du coût des travaux, dans la mesure où ceux-ci n’avaient pas été réalisés et ne le seraient pas.
La Cour de cassation a cassé cette décision d’appel en rappelant notamment qu’ « en cas de manquement du bailleur à son obligation de délivrance, le locataire peut, d’une part, obtenir l’indemnisation des conséquences dommageables de l’inexécution par le bailleur des travaux lui incombant, d’autre part, soit obtenir l’exécution forcée en nature, soit être autorisé à faire exécuter lui-même les travaux et obtenir l’avance des sommes nécessaires à cette exécution ».
Ainsi, la cour d’appel compétente ne pouvait pas condamner le bailleur à payer au locataire le coût des travaux nécessaires à la remise en état des locaux s’il n’était pas certain que les travaux seraient réalisés. En effet, selon la Haute Juridiction, « le coût des travaux de remise en état des locaux ne constitue pas la réparation d’un préjudice indemnisable, mais une avance sur l’exécution des travaux ».
On rappellera que la Cour de cassation a, par un arrêt antérieur, jugé que le bailleur ayant avancé les frais de remise en état d’un logement loué peut demander la condamnation du preneur à exécuter les travaux ainsi financés (Cass. 3e Civ., 21 décembre 2017, n° 15-24.430).
S’agissant du préjudice subi par le preneur, la cour d’appel compétente, après avoir relevé que le défaut de délivrance conforme, imputable au bailleur, avait causé au locataire une perte de chance d’exploiter l’activité prévue au bail, a retenu « qu’à défaut d’éléments autres que l’expertise judiciaire, cette perte de chance doit être évaluée au montant du prix d’acquisition du droit au bail ». La Cour de cassation a reproché aux juges du fond d’avoir ainsi fixé le montant de cette condamnation, en rappelant que la réparation de la perte de chance doit être mesurée à la chance perdue.