Dans un arrêt du 21 décembre 2023, la Cour de cassation a écarté la compétence du juge judiciaire des référés pour prendre une décision de suspension concernant des travaux – autorisés par le préfet – fondée sur l’absence d’une dérogation « espèces protégées ».
Cette solution est le fruit d’une saisine par des associations de défense de l’environnement du juge judiciaire des référés d’une demande de suspension de travaux relatifs à l’exploitation d’une carrière, laquelle avait déjà été formulée devant le juge administratif des référés qui avait rejeté leur demande.
Le juge judiciaire des référés – contrairement à son homologue administratif – a fait droit à la demande et la Cour d’appel d’Aix-en-Provence a confirmé la suspension des travaux. La Cour de cassation a annulé cette décision, estimant que les juges d’appel avaient substitué leur appréciation à celle de l’autorité administrative.
Pour rappel, comme le souligne la Cour de cassation, « le principe de la séparation des autorités administratives et judiciaires s’oppose à ce que le juge judiciaire substitue sa propre appréciation à celle que l’autorité administrative a portée en application de ses pouvoirs de police spéciale, et que les tribunaux judiciaires ne sont compétents que pour se prononcer sur les dommages-intérêts à allouer aux tiers lésés par le voisinage d’une installation classée pour la protection de l’environnement (ICPE), ainsi que sur les mesures propres à faire cesser le préjudice que cette installation pourrait causer dans l’avenir, à condition que ces mesures ne contrarient pas les prescriptions édictées par l’administration en vertu des pouvoirs de police spéciale qu’elle détient ».
Le juge judiciaire est donc incompétent pour statuer sur une demande de suspension, fondée sur l’absence de dérogation « espèces protégées », de travaux autorisés par l’autorité administrative compétente.
En effet, des autorisation environnementales délivrées au titre de la police de l’eau et de celle des ICPE, « constituent, qu’elle que soit leur date de délivrance, des autorisations globales uniques, excluant la compétence du juge des référés judiciaire pour se prononcer sur une demande de suspension d’activité au motif du trouble manifestement illicite résultant de l’absence de dérogation à l’interdiction de destruction de l’une de ces espèces protégées ».
Cette décision du 21 décembre 2023 confirme donc que la délivrance d’une dérogation « espèces protégées » est une possibilité uniquement soumise à l’appréciation de l’autorité administrative, qui doit en apprécier la nécessité dès lors que des spécimens d’une de ces espèces sont présents dans la zone du projet et que le risque que le projet comporte pour ces espèces est suffisamment caractérisé (cf. CE 9 décembre 2022, n°463563 – voir notre article sur cette décision).