Par un arrêt en date du 14 septembre 2023, la Cour de cassation a jugé que la destruction de locaux loués intervenue (i) postérieurement à une vente faite en violation des dispositions de l’article L.145-46-1 du Code de commerce (droit de préemption « Pinel ») et (ii) en cours de procédure judiciaire ne privait pas le preneur du droit de solliciter judiciairement l’annulation de la vente des locaux loués et l’indemnisation de son préjudice résultant de la privation de la faculté d’exercer son droit de préemption.
En l’espèce, un bailleur a vendu un immeuble donné à bail commercial à un tiers, sans avoir préalablement purgé auprès du preneur le droit de préemption « Pinel » prévu par l’article L.145-46-1 du Code de commerce. Le preneur a, en conséquence, assigné le vendeur et le tiers acquéreur en annulation de la vente et en indemnisation de son préjudice. En cours de procédure judiciaire, l’immeuble objet de la vente litigieuse a été détruit dans sa quasi-totalité par un incendie.
La cour d’appel saisie de cette affaire a, en raison de la destruction de la quasi-totalité de l’immeuble intervenue en cours de procédure, rejeté les demandes formulées par le locataire. Elle a, en outre, retenu qu’à la suite de cette destruction, le contrat de vente litigieux était dorénavant dépourvu d’objet, de sorte que la demande d’annulation de la vente, fondée sur la violation par le bailleur des dispositions de l’article L.145-46-1 du Code de commerce, était elle-même devenue sans objet. En effet, selon les juges du fond, le locataire n’avait plus d’intérêt à agir dans la mesure où, d’une part, il n’était plus titulaire d’un bail (puisque, conformément aux dispositions de l’article 1722 du Code civil, « si, pendant la durée du bail, la chose louée est détruite en totalité par cas fortuit, le bail est résilié de plein droit ») et où, d’autre part, il n’occupait plus les locaux.
Le preneur soutenant avoir subi un préjudice moral en raison de la violation de son droit de préemption légal et ainsi justifier d’un intérêt à agir, s’est alors pourvu en cassation.
La Cour de cassation a, au visa des articles 1582 du Code civil relatif à la vente et L.145-46-1 du Code de commerce relatif au droit de préemption « Pinel », cassé et annulé l’arrêt, aux motifs que :
- d’une part, « la destruction du bien vendu qui survient après la conclusion de la vente ne prive pas celle-ci de son objet » ; et
- d’autre part, « la circonstance que le preneur ne dispose plus de bail sur le bien, en raison de sa destruction postérieure à la vente, ne prive pas d’objet ses demandes d’annulation de la vente réalisée en violation de son droit de préemption et d’indemnisation de son préjudice ».