En droit immobilier, ce début d’année 2023 a – une fois n’est pas coutume – principalement été marqué par une abondante jurisprudence en matière de baux commerciaux, particulièrement riche en enseignements pour les praticiens, en conseil comme en contentieux.
Parmi les arrêts sélectionnés sur notre blog ce mois-ci, deux concernent la fixation judiciaire du loyer du bail renouvelé : dans le premier, la Cour de cassation confirme que la notification du mémoire préalable n’interrompt la prescription applicable que pour les actions en fixation du loyer révisé ou renouvelé portées devant le juge des loyers commerciaux. Dans le second, la Haute juridiction affirme que la fixation de l’étalement de la hausse du loyer déplafonné de renouvellement (tel qu’introduit par la loi « Pinel ») est distincte de la fixation du montant du loyer de renouvellement lui-même et ne relève donc pas de la compétence du juge des loyers commerciaux. En l’absence de clause d’attribution de compétence dans le bail, il faudrait donc, dans une telle hypothèse, saisir selon les cas le juge du fond ou le juge de l’exécution.
Un autre arrêt retiendra aussi l’attention des rédacteurs de baux, en ce qu’il apporte des précisions importantes sur la co-titularité en cas de signature initiale d’un bail « côté preneur » par une personne physique pour le compte d’une société en cours de constitution : une fois cette société constituée, la première – signataire initiale du bail – ne peut plus bénéficier d’un pacte de préférence prévu dans le bail en cas de vente de l’immeuble, les engagements du preneur aux termes du bail étant réputés avoir été souscrits par la société constituée dès la date de signature du bail.
Enfin, la jurisprudence « Covid-19 et loyers commerciaux » s’est enrichie d’un nouvel arrêt important, aux termes duquel la Cour de cassation a jugé que l’interdiction de mise en œuvre des sûretés réelles et personnelles garantissant le paiement des loyers ou charges locatives afférents aux locaux professionnels ou commerciaux (prévue par l’article 14 de la loi n°2020-1379 du 14 novembre 2020) s’applique aux garanties à première demande régies par l’article 2321 du Code civil. Si cette décision peut s’expliquer par la prise en compte de l’objectif de protection de certains preneurs poursuivi par les pouvoirs publics pendant l’état d’urgence sanitaire, elle pose inévitablement certaines questions quant à la place alors laissée à l’autonomie d’une GAPD dans de telles circonstances…
En urbanisme, ce début d’année 2023 n’échappe pas à une nouvelle mise à jour des formulaires CERFA de demandes d’autorisations d’urbanisme intégrant les récentes évolutions réglementaires.
La Cour de cassation a également rendu deux arrêts importants :
– Le premier relatif à l’action en démolition d’une construction édifiée conformément à un permis de construire ultérieurement annulé : selon la Cour, toute méconnaissance des règles d’urbanisme ou des servitudes d’utilité publique – y compris l’insuffisance de l’étude d’impact – peut servir de fondement à une action en démolition d’une construction édifiée conformément à un permis de construire ultérieurement annulé (sous réserve bien entendu des restrictions légales encadrant l’action en démolition) ;
– le seconde relatif aux modes d’acquisition de la propriété publique : la Cour de Cassation affirme que les personnes publiques peuvent devenir propriétaires par l’effet de la prescription acquisitive.
En matière de contentieux des autorisations d’urbanisme, le Conseil d’Etat continue d’affiner sa jurisprudence sur l’intérêt à agir, s’agissant notamment d’un requérant revendiquant la propriété du terrain d’assiette de la construction contestée