L’actualité immobilière du mois de juillet a été marquée par 3 arrêts importants rendus par la Cour de cassation. Elle retient que l’obligation de paiement des loyers n’a été ni suspendue, ni neutralisée pendant les périodes de confinement en écartant notamment sans ambiguïté la force majeure, le manquement du bailleur à son obligation de délivrance et la destruction de la chose louée invoqués par certains preneurs. La Cour de cassation établit ainsi une jurisprudence dont la portée pourrait dépasser les seuls baux commerciaux, comme le souligne Monsieur le Professeur Philippe Dupichot, Directeur du Conseil Scientifique de Gide.
Par ailleurs, dans un contexte inflationniste et alors que les députés viennent de rejeter l’idée d’un plafonnement de l’ILC lors de l’examen du projet de loi sur le pouvoir d’achat, un autre arrêt de la Cour de cassation a validé la clause d’un bail commercial qui institue une augmentation forfaitaire du loyer annuel en fonction d’un pourcentage fixe, sans référence à un indice économique. La jurisprudence relative au droit de préemption « Pinel » s’est quant à elle à nouveau enrichie : la Haute Juridiction a en effet jugé qu’en cas de vente de locaux commerciaux loués à des preneurs distincts, aucun des preneurs commerciaux ne peut se prévaloir de ce droit, celui-ci étant exclu par la loi en cas de « cession unique de locaux commerciaux distincts ».
Enfin, un autre arrêt rendu ce mois-ci semble marquer un infléchissement sensible de la position de la Cour de cassation quant à la sanction encourue en cas d’édification d’une construction en violation d’un cahier des charges de lotissement : la démolition, ordonnée indépendamment de l’existence ou de l’importance du préjudice en vertu d’une jurisprudence jusqu’à présent constante, pourrait désormais être écartée en cas de « disproportion manifeste » entre le coût de la démolition pour le débiteur et son intérêt pour le créancier. Pour mémoire, une décision rendue en avril dernier était venue rappeler les délais applicables pour agir en la matière.
En droit de l’urbanisme, on retiendra tout particulièrement une décision aux termes de laquelle le Conseil d’Etat a confirmé que, dans les communes couvertes par un PLU antérieur à la réforme des destinations – comme c’est le cas pour Paris à ce jour – le champ d’application des autorisations d’urbanisme nécessaires pour un changement de destination s’apprécie par rapport à la nouvelle définition des destinations et sous-destinations. Il vient ainsi acter l’existence d’un double régime des destinations applicables dans ces communes. Les juges du Palais Royal ont par ailleurs, par une décision attendue, élargi sensiblement le champ matériel du PCM, qui peut désormais affecter la conception générale du projet, tant qu’il n’en change pas la nature même.
Côté urbanisme commercial, la Cour administrative d’appel de Nancy fait preuve de pédagogie, en expliquant les modalités de contestation d’un avis de la CNAC rendu postérieurement au refus d’un permis de construire valant autorisation d’exploitation commerciale et les conséquences de l’irrégularité de cet avis sur les pouvoirs d’injonction du juge. Quant au ministère de la Transition écologique, il a ouvert à la consultation publique le projet de décret ZAN précisant les modalités d’application de l’interdiction générale des équipements commerciaux engendrant une artificialisation des sols et ses dérogations. Affaire à suivre.
Côté fiscal, de façon surprenante et inattendue, le Conseil d’Etat a retenu une lecture restrictive de l’article 257 bis du CGI en considérant que la dispense de TVA ne peut bénéficier qu’aux opérations soumises à la TVA (de plein droit ou sur option), par opposition (à la lecture des conclusions du rapporteur public) aux opérations hors du champ de la TVA ou exonérées de TVA (pour lesquelles le cédant doit procéder aux régularisations de TVA). En d’autres termes, la dispense de TVA de l’article 257 bis ne s’appliquerait finalement pas aux cessions d’immeubles de plus de 5 ans (exonérées de TVA) qui devraient alors nécessairement entraîner des régularisations effectives de TVA.
Enfin, statuant sur renvoi du Conseil d’Etat, la Cour administrative d’appel de Paris confirme finalement dans l’affaire « Lupa » l’application du correctif Quemener aux opérations de dissolution sans liquidation (conformément au revirement de jurisprudence opéré par le Conseil d’Etat en 2019 dans l’arrêt Fra SCI). La CAA a considéré que bien qu’il s’agisse au cas particulier d’un montage artificiel, l’abus de droit n’était pas caractérisé car l’administration ne démontrait pas que le contribuable a bénéficié d’un avantage fiscal contraire à l’objectif de neutralité de la loi fiscale.