Le demandeur d’un permis de construire ne peut se prévaloir de la cristallisation des règles d’urbanisme prévue à l’article L. 442-14 du Code de l’urbanisme tant qu’aucun transfert de propriété n’est intervenu.
L’article L. 442-14 du Code de l’urbanisme prévoit un mécanisme de cristallisation des droits à bâtir spécifique au lotissement qui offre deux avantages sur celui que permet le certificat d’urbanisme :
- Les droits à bâtir sont stabilisés pendant 5 ans (au lieu de 18 mois pour le certificat d’urbanisme), à compter de la date de non-opposition lorsque le lotissement fait l’objet d’une déclaration préalable ou bien à compter de l’achèvement des travaux d’équipement lorsque le lotissement a été autorisé par un permis d’aménager (les règles cristallisées étant toutefois celles en vigueur à la date de délivrance du permis d’aménager).
- L’autorité compétente ne peut valablement opposer un sursis à statuer à une demande de permis de construire déposée dans ce délai de cinq ans au motif que la réalisation du projet de construction serait de nature à compromettre ou à rendre plus onéreuse l’exécution du futur plan local d’urbanisme (CE, 31 janv. 2022, n°449496).
Mais encore faut-il que la division foncière soit effective pour que le demandeur de permis de construire puisse se prévaloir de cette cristallisation des règles d’urbanisme. Le Conseil d’Etat a en effet jugé que « en l’absence de tout transfert de propriété ou de jouissance, [le pétitionnaire] ne pouvait se prévaloir, à l’occasion de cette demande de permis de construire, des droits attachés, en vertu de l’article L. 442-14 du Code de l’urbanisme cité ci-dessus, au lotissement autorisé, dont le projet de construction ne pouvait relever » (CE, 13 juin 2022, n°452457).
Dans un arrêt du 30 avril 2024 la cour administrative d’appel de Lyon fait application de cette jurisprudence.
En l’espèce, une société avait obtenu le 28 décembre 2018 une décision de non-opposition à déclaration préalable pour la division d’un terrain en 3 lots, dont un seul lot à bâtir (lot A), les deux autres lots (lots B et C) n’ayant pas vocation à être construits.
Cette même société a obtenu le 3 mars 2021 un permis de construire en vue de l’édification de quatre villas sur le lot A.
Le nouveau PLU approuvé le 27 février 2020 ne permettait pas la réalisation d’un tel projet. Le pétitionnaire a donc pu bénéficier de la stabilisation des règles d’urbanisme en vigueur à la date de la décision de non-opposition à déclaration préalable pour obtenir son permis.
Or, à la date de la délivrance du permis de construire, le 3 mars 2021, aucune division n’était effective, la vente du premier lot (lot B) n’étant intervenue que le 22 novembre 2021, ce que confirme d’ailleurs la demande de permis de construire qui précise « qu’aucune division en propriété ou en jouissance ne sera mise en place avant l’achèvement des constructions ».
Le pétitionnaire qui avait conclu une promesse synallagmatique de vente le 10 octobre 2019 soutenait, à l’appui de l’article 1589 du Code civil, que la division devait pourtant être considérée comme effective dans la mesure où la promesse de vente valait vente.
L’article 1589 du Code civil dispose en effet que :
« La promesse de vente vaut vente, lorsqu’il y a consentement réciproque des deux parties sur la chose et sur le prix. Si cette promesse s’applique à des terrains déjà lotis ou à lotir, son acceptation et la convention qui en résultera s’établiront par le paiement d’un acompte sur le prix, quel que soit le nom donné à cet acompte, et par la prise de possession du terrain. La date de la convention, même régularisée ultérieurement, sera celle du versement du premier acompte. »
Le juge d’appel relève toutefois que le pétitionnaire ne peut utilement se prévaloir de ces dispositions dans la mesure où aucun acompte n’avait été versé à la date de délivrance du permis de construire et que par conséquent aucun transfert de propriété n’était intervenu à cette date.
La circonstance que des permis de construire modificatifs aient été délivrés après le transfert de propriété ne permet pas par ailleurs de régulariser l’absence de division effective à la date du permis initial.
Dans ces conditions, la cour administrative d’appel de Lyon annule le permis de construire.
La question peut se poser de savoir s’il en aurait été autrement dans l’hypothèse où la vente du lot B était intervenue avant la date de délivrance du permis de construire.
La réponse n’est pas évidente. En effet, le seul lot à bâtir de ce lotissement est en l’occurrence celui qui a été conservé par le lotisseur, lequel s’est mué en constructeur. Le lot B n’étant pas un lot à bâtir, il ne saurait être considéré comme un lot de lotissement.
Or, il paraît difficilement concevable que le régime du lotissement, en particulier les dispositions de l’article L. 442-14 du Code de l’urbanisme, puisse valablement s’appliquer au reliquat conservé par le lotisseur dès lors que les terrains détachés ne constituent pas des lots de lotissement.