Par une décision du 1er décembre 2023, le Conseil d’Etat s’est prononcé sur le régime des modifications apportées à un projet de construction au cours de l’instruction d’une demande d’autorisation d’urbanisme.
Le Conseil d’Etat précise d’abord qu’en l’absence de dispositions expresses du code de l’urbanisme y faisant obstacle, l’auteur d’une demande de PC peut apporter à son projet, pendant la phase d’instruction de sa demande et avant l’intervention d’une décision, des modifications qui n’en changent pas la nature. Celui-ci peut alors adresser une demande en ce sens accompagnée de pièces nouvelles qui sont intégrées au dossier. En principe, cette demande est sans incidence sur la date de naissance d’un permis tacite. Il valide ainsi, de manière constructive, la pratique des services instructeurs en la matière, ainsi que la position des juridictions du fond.
Toutefois, la Haute-Juridiction distingue l’hypothèse dans laquelle l’examen des modifications ne peut être mené à bien dans le délai d’instruction, compte tenu notamment des nouvelles vérifications ou consultations qu’elles impliquent, du fait de leur objet, de leur importance ou de la date à laquelle elles sont présentées. Dans ce cas, l’autorité compétente en informe par tout moyen le pétitionnaire avant la date à laquelle serait normalement intervenue une décision tacite, en lui indiquant la date à compter de laquelle, à défaut de décision expresse, la demande modifiée sera réputée acceptée. L’administration est alors regardée comme saisie d’une nouvelle demande se substituant à la demande initiale à compter de la date de la réception des pièces nouvelles par l’autorité compétente. Elle pourra d’ailleurs, dans le délai d’un mois prévu par l’article R. 423-38 du code de l’urbanisme, notifier au demandeur la liste des pièces manquantes nécessaires à l’examen du projet modifié.
En l’espèce, le pétitionnaire avait envoyé à la commune, pendant l’instruction de la demande de PC, des pièces nouvelles les 27 octobre et 25 novembre 2016, qui correspondaient à des modifications du projet portant, d’une part, sur l’implantation d’un ouvrage d’art et, d’autre part, sur l’insertion paysagère d’un parking. Les juges d’appel avaient considéré que ce dépôt n’était pas susceptible d’influer sur la date de naissance d’un permis tacite, le 29 novembre 2016.
Or, le Conseil d’Etat estime qu’ils ont commis une erreur de droit, dans la mesure où il appartenait au service instructeur de rechercher si ces modifications, compte tenu de leur objet, de leur importance ou de la date à laquelle elles ont été présentées, pouvaient être prises en compte dans le délai qui lui était imparti pour se prononcer sur la demande initiale ou, à défaut, d’informer le pétitionnaire qu’elles avaient pour effet d’ouvrir un nouveau délai d’instruction de la demande ainsi modifiée.
Par cette décision publiée au Recueil, le Conseil d’Etat complète sa jurisprudence relative au régime juridique de naissance des autorisations d’urbanisme tacites (CE 9 décembre 2022, n° 454521 commentée ici sur notre blog ; CE 24 octobre 2023, n° 462511 commentée ici sur notre blog). Elle suscitera toutefois certainement de nombreuses interrogations en pratique, et potentiellement au contentieux (à titre non-exhaustif, concernant le numéro d’enregistrement de la demande de permis, la qualification de la modification apportée au projet, la capacité pour l’administration de pouvoir examiner la modification dans le délai d’instruction restant à courir, ou encore la date de naissance du permis tacite).