Le Conseil d’Etat vient de rendre un avis attendu sur la question du champ de l’exonération de TVA applicable en principe aux activités de location à usage d’habitation.
On sait qu’en droit interne français, ne bénéficient pas de cette exonération de TVA les locations accompagnées de la fourniture des prestations spécifiques, qualifiées de ce fait de locations para-hôtelières. L’article 261 D 4° du CGI dispose en effet que « l’exonération ne s’applique pas : / (…) b. Aux prestations de mise à disposition d’un local meublé ou garni effectuées à titre onéreux et de manière habituelle, comportant en sus de l’hébergement au moins trois des prestations suivantes, rendues dans des conditions similaires à celles proposées par les établissements d’hébergement à caractère hôtelier exploités de manière professionnelle : le petit déjeuner, le nettoyage régulier des locaux, la fourniture de linge de maison et la réception, même non personnalisée, de la clientèle. (…) ».
L’exception à cette exonération de TVA est toutefois définie de manière bien plus large par la directive 2006/112/CE du Conseil du 28 novembre 2006 relative au système commun de TVA. L’article 135 de cette directive – transposé en droit interne par l’article 261 D du CGI – est ainsi formulé : « 2. Sont exclues de l’exonération prévue [pour la location de biens immeubles], les opérations suivantes : a) les opérations d’hébergement telles qu’elles sont définies dans la législation des Etats membres qui sont effectuées dans le cadre du secteur hôtelier ou de secteurs ayant une fonction similaire (…) ». Il ressort donc de la directive que doivent être soumises à la TVA les locations de logements assorties de prestations para-hôtelières lorsqu’elles sont en concurrence avec le secteur hôtelier.
La question était donc de savoir si l’exception à cette exonération de TVA, en exigeant que soient réunies au moins trois des quatre prestations de services précitées, est rédigée de façon trop restrictive au regard du texte européen. On sait que la Cour de justice de l’Union européenne a précisé qu’en matière de TVA, toute exception à l’assujettissement à cet impôt doit être interprétée strictement. Par conséquent, l’exception à l’exonération de TVA sur la location meublée doit elle-même être interprétée de manière large.
Dans le cadre d’un contentieux relatif à la remise en cause par l’administration de l’assujettissement à la TVA de l’activité de location meublée exercée par un contribuable, la Cour administrative d’appel de Douai avait transmis au Conseil d’Etat les deux questions suivantes :
- La condition tenant à la réalisation d’au moins trois des quatre prestations définies par l’article 261 D 4° du CGI pour écarter l’application de l’exonération aux prestations de location de logements garnis ou meublés, réalisées à titre onéreux et de manière habituelle, est-elle conforme aux dispositions de la directive TVA ?
- Dans la négative, la fourniture de une ou deux de ces prestations est-elle suffisante pour écarter l’exonération de la prestation de location ?
Avec un pragmatisme qui ne déplaira pas aux professionnels de l’hôtellerie, le Conseil d’Etat considère que « le cumul de trois de ces quatre prestations n’apparaît pas systématiquement indispensable pour que de telles locations puissent, selon le contexte dans lequel elles sont proposées, être regardées comme se trouvant en concurrence avec le secteur hôtelier ».
Le Conseil d’Etat ne juge donc les dispositions internes incompatibles avec la directive qu’en tant qu’elles exigent la réunion d’au moins trois prestations de para-hôtellerie et il impose en conséquence à l’administration « d’apprécier au cas par cas si un établissement proposant une location de logements meublés, eu égard aux conditions dans lesquelles cette prestation est offerte, notamment la durée minimale du séjour et les prestations fournies en sus de l’hébergement, se trouve en situation de concurrence potentielle avec les entreprises hôtelières ».
En d’autres termes, selon le Conseil d’Etat, les critères objectifs fixés par le droit interne (à savoir la fourniture de trois des quatre prestations de services visées à l’article 261 D 4°) ne sont pas toujours pertinents pour déterminer si une opération de location meublée est en concurrence avec le secteur hôtelier. A cet égard, il semble que, outre l’étendue des services rendus, il faille apporter une attention particulière à la durée de la location.
Cet avis renouvellera sans aucun doute les critères de caractérisation d’une activité para-hôtelière, tant il apparaît désormais nécessaire de se livrer à une analyse in concreto de l’ensemble des circonstances dans lesquelles cette activité est exercée.
Nous attendons donc avec intérêt l’arrêt de la Cour administrative d’appel de Douai afin de savoir, quels critères elle retiendra pour caractériser les activités de para-hôtellerie.
En attendant une éventuelle modification du droit interne, la doctrine administrative actuelle reste opposable.