Le Conseil d’Etat complète sa jurisprudence Saint-Herblain (CE 9 décembre 2022, n° 454521) sur le régime des demandes de pièces manquantes, en précisant les conséquences d’une nouvelle demande à la suite d’une communication incomplète des pièces précédemment sollicitées.
Une demande de permis de construire a été déposée par un particulier le 29 janvier 2018. L’administration a sollicité, par lettre non datée mais notifiée dans le délai d’un mois suivant le dépôt de la demande, la production de l’attestation de la conformité du projet d’installation d’assainissement non collectif prévue par le d) de l’article R. 431-16 du code de l’urbanisme.
Le pétitionnaire a d’abord fait parvenir un rapport établi par la société délégataire du service public de l’assainissement non collectif le 28 février 2018, puis, à la suite d’une nouvelle demande de l’administration notifiée le 12 mars 2018 (soit hors du délai d’un mois suivant le dépôt de la demande de permis), l’attestation de conformité du projet, le 14 mars 2018.
Le maire de la commune a toutefois pris un arrêté de refus de permis, notifié le 9 juin 2018 au pétitionnaire.
Ce dernier a contesté le refus de permis, notamment au motif qu’il serait titulaire d’un permis tacite depuis le 28 mai 2018 (trois mois après la transmission du rapport) et que l’arrêté de refus contesté devrait être regardé comme un retrait de ce permis.
Le TA puis la CAA de Marseille ont rejeté les requêtes du pétitionnaire. La Cour a notamment considéré que le délai d’instruction avait été interrompu par la nouvelle demande de pièce complémentaire et que l’illégalité supposée de cette dernière ne saurait avoir pour effet de rendre le pétitionnaire titulaire d’un permis tacite.
Saisi d’un pourvoi par le pétitionnaire, le Conseil d’Etat complète sa jurisprudence Saint-Herblain (CE 9 décembre 2022, n° 454521) relative au régime des demandes de pièces manquantes, codifié aux articles R. 423-38 à R. 423-41-1 du code de l’urbanisme.
Il rappelle qu’en cas de dossier incomplet, l’administration doit inviter le demandeur, dans un délai d’un mois à compter de son dépôt, à compléter son dossier dans un délai de trois mois en lui indiquant, de façon exhaustive, les pièces manquantes.
Puis il envisage les différentes hypothèses résultant d’une telle demande :
- Le demandeur produit, dans ce délai de trois mois, les pièces manquantes;
- Les pièces produites par le demandeur répondent aux exigences du livre IV de la partie réglementaire du code de l’urbanisme: le délai d’instruction commence à courir à compter de la réception des pièces manquantes et, si aucune décision n’est notifiée à l’issue du délai d’instruction, un permis de construire est tacitement accordé ;
- L’administration estime que les pièces produites par le demandeur ne répondent pas aux exigences du code de l’urbanisme et que le dossier reste incomplet : elle peut inviter à nouveau le pétitionnaire à le compléter, cette demande étant toutefois sans incidence sur le cours du délai d’instruction et la naissance d’une décision tacite de rejet si le pétitionnaire n’a pas régularisé son dossier au terme de ce délai : autrement dit, le pétitionnaire reste tenu de compléter le dossier dans le délai initial de trois mois qui lui était imparti, débutant à la réception de la première demande de pièces manquantes ;
- Le demandeur ne fait pas parvenir l’ensemble des pièces manquantes répondant aux exigences du livre IV dans le délai de trois mois, une décision tacite de rejet naît à l’expiration de ce délai ;
- La demande de l’administration porte sur une pièce qui n’est pas exigée par le code de l’urbanisme: cette demande est illégale et le délai d’instruction n’est donc ni interrompu, ni modifié par cette demande, de sorte qu’un permis tacite naît à l’expiration du délai d’instruction (rappel de la jurisprudence Sainte Herblain).
Le Conseil d’Etat censure donc l’arrêt de la Cour qui a considéré que le délai d’instruction de la demande de PC était interrompu par la nouvelle demande de pièce complémentaire, puis règle l’affaire au fond.
Il rappelle que l’administration a reçu l’attestation de conformité requise le 14 mars 2018, soit dans le délai de trois mois prévu par l’article R. 423-39 du code de l’urbanisme pour permettre au pétitionnaire de compléter son dossier.
Le délai d’instruction, de trois mois également, a donc commencé à courir à compter de cette date et n’était pas expiré à la date de notification du refus de permis, le 9 juin 2018.
Dès lors, c’est à bon droit que le tribunal a rejeté le moyen tiré de ce le pétitionnaire serait titulaire d’un permis tacite et que l’arrêté contesté devait être regardé comme un retrait de ce permis. Aucun autre moyen n’étant fondé, il rejette définitivement le recours.