Le rapport de la commission chargée de l’enquête publique, qui s’est déroulée en début d’année, a été publié par la Ville de Paris ce lundi 29 juillet. Sans surprise, la commission émet un avis favorable sur le projet de PLU mais l’assortit de vingt recommandations et d’une réserve qui devra impérativement être levée avant l’adoption du plan.
- Une réaction « massive » du public à la création de nouveaux emplacements réservés (ou « pastilles ») en faveur du logement
Au cours de l’enquête, la commission a recueilli plus de 14 300 observations par voie dématérialisée, par courrier ou dans les registres papier tenus à disposition du public. Ces remarques ont été triées par thèmes par les membres de la commission et consignées dans un procès-verbal remis à la Ville le 25 mars dernier et auquel la maire de Paris a répondu le 12 juin. L’ensemble de ces développements ainsi que la réponse de la commission aux observations de la Ville ont été intégrés au rapport remis le 9 juillet à la Ville et publié le 29 juillet.
Comme attendu, l’un des sujets centraux de l’enquête publique était la création de 611 nouvelles « pastilles » pour la création de logements sociaux. Ces nouveaux emplacements réservés en faveur du logement ont suscité de très vives réactions des propriétaires concernés : plus de 10 000 contributions ont été recensées, représentant 71 % de la participation totale du public[1].
En particulier, les nouvelles réserves touchant des immeubles de bureaux ont fait l’objet d’observations qualifiées de « précontentieuses » par la commission, qui relève que l’argumentaire déposé dans le cadre de l’enquête était souvent rédigé par des cabinets d’avocats et accompagné d’un dossier technique justifiant d’une infaisabilité de la transformation du bâtiment concerné en logements.
- La commission émet une réserve tenant à la suppression d’une centaine d’emplacements réservés en faveur du logement dont la liste n’est pas encore connue
Dans son rapport, la commission s’est montrée particulièrement critique envers la méthode adoptée par la Ville de Paris pour sélectionner les nouveaux emplacements réservés. En particulier :
- La commission estime que la Ville a « complètement » sous-estimé l’impact de la création d’un emplacement réservé sur la valorisation économique d’un immeuble dédié à une activité économique. Elle indique qu’un tel emplacement rend l’immeuble « invendable à un tiers» et « difficilement vendable à la Ville, compte tenu de la durée de la procédure du droit de délaissement peu compatible avec la fluidité des affaires »[2].
- La commission regrette en outre que la Ville n’ait pas choisi de pastiller davantage d’immeubles occupés par l’administration publique et situés dans des quartiers très déficitaires.
- Elle considère ensuite que la méthodologie retenue pour choisir les immeubles pastillés est « très insuffisante pour une ville comme Paris» et préconise une analyse fine à l’échelle du quartier de chaque immeuble, en concertation avec les conseils de quartiers. En particulier, elle indique que la Ville aurait dû se baser notamment sur les caractéristiques suivantes des immeubles : « la localisation, la typologie des constructions retenues, leur ancienneté, leur état, leur insertion dans le quartier, leur potentiel d’évolution pour améliorer le quartier ».
Dans ce cadre, la commission a demandé à la Ville de « répondre à chacune des demandes de suppression d’emplacements réservés en faveur du logement social, en prenant soin de bien étudier les arguments, plans et photos, les études de simulations de transformation en logements sociaux et de coûts invoqués par les demandeurs en pièce jointe de leur observation »[3].
Elle reconnait néanmoins le travail accompli par la Ville qui, dans sa réponse à la commission, a indiqué avoir procédé à un réexamen de chacune de ces pastilles « donnant lieu à une analyse par des architectes de la Direction du Logement de l’Habitat et d’Assistants à Maitrise d’ouvrage accompagnant la Ville dans l’élaboration du PLU »[4]. La Ville confirme que, selon cette analyse, une centaine de parcelles ou d’immeubles seraient finalement « moins adaptés à une transformation en logement qu’initialement prévu ou que celle-ci est rendue particulièrement complexe »[5].
La commission conditionne donc son avis favorable à la levée d’une réserve tendant à la suppression pure et simple des emplacements réservés grevant cette centaine d’immeubles[6].
La liste de ces immeubles n’est pas encore disponible : elle devra figurer dans une délibération du Conseil de Paris[7], sans qu’il ne soit précisé si cette délibération sera prise pendant la même séance du Conseil que celle portant sur l’approbation du PLU ou s’il s’agira d’une séance antérieure.
- Les recommandations émises par la commission
La commission a demandé que « toutes les préconisations qui ont été proposées au cours du rapport retiennent l’attention de la Ville de Paris » et a notamment assorti son avis favorable des suggestions suivantes :
- Mieux inventorier les bâtiments occupés par des ministères et des administrations, qui présentent des caractéristiques similaires à celles des immeubles déjà transformés avec succès par la Ville, pour les inscrire comme emplacements réservés pour des logements.
- Utiliser les conseils de quartier comme relais local dans la construction des décisions d’urbanisme (emplacements réservés, végétalisation et biodiversité).
- Exclure du champ d’application de la servitude de mixité fonctionnelle la restructuration lourde et les changements de destination ou de sous-destination partielle ; en contrepartie, la Ville pourrait supprimer l’exception permettant de réaliser la servitude par compensation.
- Tester la cohérence de l’ensemble des règles concernant les interventions sur les constructions existantes, entre elles et sur le plan économique, et adapter en conséquence les niveaux d’exigence pour assurer la possibilité de réaliser des projets vertueux.
- Revoir les critères du secteur d’encadrement des « autres hébergements touristiques » et faire évoluer si nécessaire le périmètre de ce secteur.
- Encadrer les changements de destination des activités économiques, en particulier vers les activités hôtelières et para-hôtelières.Justifier plus précisément a minima dans le rapport de présentation, les éléments pris en compte dans le calcul de la restructuration lourde, notamment pour les façades et les fondations.
- Maintien du calendrier : approbation du PLU fin 2024 et entrée en vigueur début 2025
Enfin, le calendrier de la procédure de révision n’est pas modifié et se poursuit : la Ville de Paris annonce une approbation du PLU en fin d’année 2024 et une entrée en vigueur en début d’année 2025.
[1] Ces chiffres totalisent les observations recensées à l’égard des emplacements réservés grevant tous types d’immeubles y compris les écoles privées et bureaux.
[2] Page 223 du Tome 3 du rapport
[3] Page 207 du Tome 3 du rapport
[4] Page 209 du Tome 3 du rapport
[5] Pages 695 et 727 du Tome 4 du rapport
[6] La réserve émise par la commission d’enquête concerne également la suppression des emplacements réservés touchant les établissements scolaires privés sous contrat du primaire et du secondaire, ainsi celle concernant un centre d’addictologie dans le 18ème.
[7] Page 963 du Tome 5 du rapport