Par un arrêt en date du 25 mai 2023, la Cour de cassation a jugé qu’en présence d’une succession de contrats, l’action en requalification desdits contrats en bail commercial se prescrit par 2 ans à compter de la conclusion du contrat dont la requalification est recherchée.
En l’espèce, une société exploitant un restaurant a conclu le 9 novembre 2009 avec le propriétaire des locaux loués sept conventions d’occupation précaire successives afin d’y loger son personnel, la première pour une durée de six mois à compter du 15 novembre 2009 et la dernière pour une durée d’un an à compter du 1er novembre 2014. Le preneur est resté sans interruption dans les locaux loués pendant toute cette durée.
Le 5 octobre 2015, le bailleur a notifié au preneur un projet de bail de location saisonnière pour l’année 2016 stipulant l’obligation pour ce dernier de quitter les lieux à l’issue de la durée de sept mois, ce que le preneur a refusé. Le 26 mai 2016, le preneur a assigné son bailleur en requalification du bail de location saisonnière en bail commercial.
Les juges du fond ont déclaré l’action en requalification prescrite aux motifs que le délai de prescription biennale a commencé à courir à la date à laquelle les parties ont conclu la première convention, soit le 9 novembre 2009, et ce, « y compris en cas de reconduction tacite ou de renouvellement par avenants successifs et qu’une telle solution s’impose également en cas de renouvellement par conclusion d’un nouveau contrat similaire ».
Le preneur s’est pourvu en cassation, en soutenant que le point de départ de la prescription doit correspondre à la date de conclusion de la dernière convention, celle-ci ayant pris effet le 1er novembre 2014.
La Cour de cassation casse l’arrêt d’appel au visa de l’article L.145-60 du Code de commerce en affirmant que le « délai de prescription biennale applicable à l’action en requalification d’un contrat en bail commercial court, même en présence d’une succession de contrats distincts dérogatoires aux dispositions du statut des baux commerciaux, à compter de la conclusion du contrat dont la requalification est recherchée ».
Ainsi, le preneur réclamant la requalification de la dernière convention conclue avec le bailleur, la prescription biennale n’a commencé à courir qu’à compter du 1er novembre 2014, de telle sorte que l’action en requalification de cette convention en bail commercial, introduite le 26 mai 2016, est recevable.
Par cet arrêt, la Cour de cassation opère un revirement de jurisprudence puisqu’elle considérait jusqu’alors que la prescription de l’action en requalification d’un contrat en bail commercial courait à compter de la date de conclusion du contrat initial, même en cas renouvellement de celui-ci et quand bien même ce renouvellement constitue un nouveau contrat (Cass. , 3e Civ. , 20 décembre 2018, n°17-26.684).
A ce sujet, voir aussi : notre point d’actualité sur les délais de prescription en matière de bail commercial.