Le Conseil d’État précise que la seule circonstance qu’une requête en référé-suspension soit introduite plusieurs mois après l’introduction du recours au fond contre un permis de construire ne suffit pas à renverser la présomption d’urgence issue de l’article L. 600-3 du code de l’urbanisme. Toutefois, cette requête doit – à peine d’irrecevabilité – être introduite avant l’expiration du délai fixé pour la cristallisation des moyens.
Pour mémoire, le juge peut prononcer la suspension de l’exécution d’une décision administrative lorsque l’urgence le justifie et qu’il est fait état d’un moyen propre à créer, en l’état de l’instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision (article L. 521-1 du code de justice administrative). En matière d’urbanisme, si la condition d’urgence est présumée satisfaite, la requête en référé-suspension doit être – à peine d’irrecevabilité – introduite avant l’expiration du délai fixé pour la cristallisation des moyens soulevés devant le juge saisi en premier ressort, c’est-à-dire dans les deux mois suivant la communication aux parties du premier mémoire en défense (articles L. 600-3 et R. 600-5 du code de l’urbanisme).
Le Conseil d’État rappelle les modalités d’appréciation, par le juge, de la condition d’urgence : « l’urgence justifie que soit prononcée la suspension d’un acte administratif lorsque l’exécution de celui-ci porte atteinte, de manière suffisamment grave et immédiate, à un intérêt public. La construction d’un bâtiment autorisée par un permis de construire présente un caractère difficilement réversible », de sorte que la condition d’urgence est en principe satisfaite. Cette présomption peut être renversée lorsque le pétitionnaire ou l’autorité ayant délivré le permis justifie de circonstances particulières. En ce cas, le juge des référés doit procéder à une appréciation globale de l’ensemble des circonstances de l’espèce qui lui est soumise, pour apprécier si la condition d’urgence est remplie.
Dans l’affaire en cause, le juge des référés du tribunal administratif de Melun a rejeté la requête en référé-suspension introduite contre un permis de construire : la condition d’urgence n’était selon lui pas satisfaite, compte tenu du délai de plusieurs mois s’étant écoulé entre l’introduction par les requérants de leur recours contre l’autorisation en cause, et la saisine du juge des référés – révélant leur absence de diligence.
Le Conseil d’État censure l’ordonnance au motif que cette seule circonstance ne saurait renverser la présomption d’urgence, alors que les requérants faisaient valoir que la préparation du chantier avait commencé et que le début des travaux était imminent.
Pour autant, dès lors que les requérants ont introduit leur référé-suspension plus de deux mois après la communication aux parties du premier mémoire produit par l’un des défendeurs à l’instance, leurs conclusions aux fins de suspension du permis de construire sont irrecevables et, par suite, ne peuvent qu’être rejetées.
En conséquence, si l’écoulement d’un délai de plusieurs mois entre l’introduction du recours au fond et la saisine du juge des référés ne s’oppose pas nécessairement à ce que la condition d’urgence soit remplie, les conclusions aux fins de suspension d’un permis de construire ne peuvent être recevables que si elles sont formulées avant l’expiration du délai fixé pour la cristallisation des moyens.