Le Conseil d’Etat profite d’une seule et même décision, qui sera publiée au Recueil Lebon, pour répondre à quatre questions inédites en droit de l’urbanisme
Un permis de construire (PC) a été délivré pour la construction de logements par surélévation d’un immeuble tertiaire, sous réserve du respect de certaines prescriptions. Ces prescriptions ont été contestées par le bénéficiaire du permis et font ainsi l’objet du litige porté devant le Conseil d’Etat.
En premier lieu, en vertu de l’article R. 811-11-1 du code de justice administrative (CJA) dans sa version applicable au litige, les tribunaux administratifs statuent en premier et dernier ressort sur les PC portant sur « un bâtiment à usage principal d’habitation » lorsque le bâtiment est implanté en zone tendue.
Le Conseil d’Etat précise ce que recouvre la notion d’« usage principal d’habitation » dans le cas de travaux sur une construction existante au sens des dispositions précitées : elles s’appliquent « à la condition, d’une part, que les travaux ainsi autorisés aient pour objet la réalisation de logements et, d’autre part, que ces travaux aient un usage principal d’habitation, c’est-à-dire consacrent plus de la moitié de la surface de plancher autorisée à l’habitation ». L’usage principal d’habitation doit donc être apprécié au seul regard de l’objet des travaux visés dans le PC (et non à l’échelle du bâtiment concerné).
La circonstance que le recours émane du bénéficiaire du permis est d’ailleurs sans incidence sur l’application des dispositions du CJA.
Rappelons enfin que celles-ci ont depuis été modifiées par le décret n° 2022-929 du 24 juin 2022 en vue notamment de prolonger la suppression du degré d’appel pour certains contentieux d’urbanisme en zone tendue, tout en la limitant aux permis comportant trois logements et plus, et d’étendre la suppression du degré d’appel à d’autres contentieux.
En deuxième lieu, le Conseil d’Etat considère que le recours gracieux exercé contre certaines seulement des prescriptions du PC n’a pas pu avoir pour effet de conserver la faculté de recours contentieux qu’à l’égard de celles-ci.
En troisième lieu, les juges du Palais-Royal admettent – sous certaines conditions – l’opposabilité aux autorisations d’urbanisme d’un « cahier de recommandations architecturales », annexé au règlement du PLU, dans la mesure où :
- Il a été adopté selon les mêmes modalités procédurales,
- Il est expressément visé par le règlement du PLU,
- Il explicite ou précise, sans les contredire ni les méconnaître, des règles figurant déjà dans le règlement.
Cette décision fait écho au jugement du TA de Rouen rendu en début d’année annulant une délibération d’un conseil municipal approuvant une « charte de l’urbanisme et du cadre de vie », la commune n’étant pas compétente pour imposer des règles impératives relatives à la conception et à la réalisation de projets de construction, relevant, par leur nature, de la loi ou du règlement (TA Rouen 26 janvier 2023, n° 2202586).
En quatrième et dernier lieu, le Conseil d’Etat censure les prescriptions du PC subordonnant leur mise en œuvre à un « avis » préalable de la commune, formalité qui n’est prévue par aucune disposition du code de l’urbanisme. En l’espèce, les prescriptions enjoignaient au pétitionnaire de transmettre à la commune les dessins, modèles et teintes « pour avis avant réalisation ».
Conseil d’Etat 2 juin 2023, n° 461645 – publié au Recueil