Le 20 octobre 2023, le projet de loi de finances pour 2024 a été adopté en première lecture à l’Assemblée nationale en application de la procédure prévue à l’article 49, alinéa 3 de la Constitution.
Le projet de loi de finances contient plusieurs mesures fiscales concernant le secteur de l’immobilier.
Pacte Dutreil : exclusion de la location de locaux meublés ou d‘établissements commerciaux ou industriels équipés (art. 3 vicies)
Pour rappel, les transmissions par décès et les donations (i) de parts ou actions de sociétés et (ii) de biens meubles et immeubles, corporels ou incorporels affectés à l’exploitation d’une entreprise individuelle sont partiellement exonérées de droits de mutation à titre gratuit sous réserve notamment que l’entité concernée exerce une activité industrielle, commerciale, artisanale, agricole ou libérale.
Brisant la jurisprudence récente en la matière, le projet de loi de finances exclut du dispositif Dutreil les activités patrimoniales consistant en la location de locaux meublés ou d’établissements commerciaux ou industriels munis d’équipements nécessaires à leur exploitation.
Par ailleurs, il prévoit d’inscrire dans la loi la notion d’activité principale ainsi qu’une définition des sociétés dites « holding animatrices de leur groupe ».
Cette disposition s’appliquerait aux transmissions intervenues à compter du 17 octobre 2023.
Pour davantage de précisions, nous renvoyons le lecteur à notre article dédié à cette disposition (cf. Pacte Dutreil : la location meublée et équipée en ligne de mire du Gouvernement).
Impôt sur la fortune immobilière (IFI) : exclusion des dettes non liées à des actifs imposables (art. 3 duovicies)
Pour mémoire, l’assiette taxable à l’IFI est constituée par la valeur nette de l’ensemble des actifs immobiliers appartenant au 1er janvier de l’année d’imposition aux contribuables concernés.
Ainsi, la valeur de l’actif immobilier peut être minorée à hauteur :
- des dettes contractées directement par le contribuable lorsqu’elles sont afférentes à des actifs imposables ; et
- de l’ensemble des dettes contractées par une entité détenue par le contribuable, y compris celles afférentes à des actifs non imposables détenus par cette entité.
Pour harmoniser l’assiette taxable à l’IFI, le projet de loi de finances prévoit d’exclure les dettes, contractées directement ou indirectement par une société ou un organisme, lorsqu’elles ne sont pas afférentes à des actifs imposables de sorte qu’elles ne seront plus retenues pour la valorisation de la fraction des parts ou actions imposables.
Cette mesure devrait s’appliquer à l’IFI dû à compter de 2024.
Meublés de tourisme : restriction du champ d’application du régime spécifique micro-BIC (art. 5 duodecies)
Il existe actuellement deux régimes micro-BIC de location meublée, à savoir :
- le régime classique : le résultat taxable des entreprises ne dépassant pas 77.700 € de chiffre d’affaires hors taxes (CAHT) est égal au montant de leur CAHT après application d’un abattement de 50 % ;
- le régime spécifique aux locations de locaux classés meublés de tourisme et aux chambres d’hôtes : le résultat taxable des entreprises ne dépassant pas 188.700 € de CAHT est égal au montant de leur CAHT après application d’un abattement de 71 %.
Selon l’article L324-1-1 du code du tourisme, les meublés de tourisme sont des villas, appartements ou studios meublés, à l’usage exclusif du locataire, offerts à la location à une clientèle de passage qui n’y élit pas domicile et qui y effectue un séjour caractérisé par une location à la journée, à la semaine ou au mois.
Selon l’article L324-3 du code du tourisme, les chambres d’hôtes sont des chambres meublées situées chez l’habitant en vue d’accueillir des touristes, à titre onéreux, pour une ou plusieurs nuitées, assorties de prestations.
Sur fond de crise du logement, le projet de loi de finances prévoit de supprimer, dès 2024, le régime spécifique applicable aux locations de locaux classés meublés de tourisme. Par exception, l’abattement de 71 % serait conservé pour les locaux classés meublés de tourisme loués en zone rurale (sous réserve que le CAHT ne dépasse pas 50.000 €).
Relevons que les locations de chambres d’hôtes au sens de l’article L324-3 du code de tourisme seront toujours éligibles au régime spécifique.
Locaux professionnels transformés en logements : prorogation du régime spécial de taxation des plus-values au taux réduit de 19 % (art. 5 octodecies)
En application de l’article 210 F du code général des impôts (CGI), les plus-values nettes dégagées par les sociétés soumises à l’impôt sur les sociétés à l’occasion de cessions d’immeubles de bureaux, ou à usage industriel ou commercial, et de terrains à bâtir situés dans des zones où existe un déséquilibre particulièrement important entre l’offre et la demande de logements, sont taxées au taux réduit de 19 %, à condition que le cessionnaire transforme les biens en local d’habitation dans un délai de quatre ans.
Le projet de loi de finances prévoit d’étendre ledit dispositif :
- aux cessions à titres onéreux réalisées jusqu’au 31 décembre 2026 ;
- aux cessions à titre onéreux réalisées après le 31 décembre 2026 si une promesse unilatérale ou synallagmatique de vente a été conclue au plus tard à cette date et que la cession a été réalisée au plus tard deux ans après la date de la promesse.
Fiscalité du logement : quelques aménagements (art. 6)
Le projet de loi de finances envisage plusieurs aménagements à la fiscalité du logement. Sont notamment concernés :
- le dispositif de prêt ne portant pas intérêt destiné à financer la première accession à la propriété (PTZ) : il est prévu (i) de proroger le dispositif jusqu’au 31 décembre 2027, (ii) de le recentrer sur l’habitat collectif et les zones tendues, (iii) d’exclure le financement de travaux pour l’installation de dispositifs de chauffage fonctionnant aux énergies fossiles, (iv) d’augmenter les plafonds de ressources déterminant l’éligibilité des ménages au PTZ et (v) de revaloriser le coefficient familial pris en compte dans le cadre du dispositif ;
- le dispositif de prêt ne portant pas intérêt pour financer certains travaux d’amélioration de la performance énergétique globale des logements (éco-PTZ) : il est notamment envisagé de proroger le dispositif jusqu’au 31 décembre 2028 ;
- le dispositif de soutien aux investisseurs institutionnels dans le logement locatif intermédiaire (LLI) : il prévoit (i) l’éligibilité des sociétés civiles de placement immobilier (SCPI), sociétés d’investissement à capital variable (SICAV), sociétés de placement à prépondérance immobilière à capital variable (SPPICAV) et les sociétés de libre partenariat (SLP), (ii) l’extension du dispositif à « l’ancien rénové » et aux logements appartenant à une résidence-service gérée et (iii) l’élargissement de son périmètre géographique ;
- le dispositif « seconde vie» conduisant à l’exonération de longue durée de taxe foncière sur les propriétés bâties (TFPB) : les bailleurs sociaux bénéficieront de l’exonération de taxe foncière ainsi que d’un taux réduit de TVA de 5,5 % lorsqu’ils procéderont à la rénovation de logements locatifs sociaux achevés depuis au moins quarante ans à condition de les rendre aussi performants que des logements neufs ;
- le crédit d’impôt en faveur des organismes d’habitation à loyer modéré qui réalisent des investissements dans les logements neufs en outre-mer.
Réduction d’impôt « Denormandie » : prorogation du dispositif jusqu’au 31 décembre 2024 (art. 6 bis)
Sous certaines conditions, les contribuables peuvent bénéficier d’une réduction d’impôt sur le revenu lorsqu’ils achètent un logement ancien situé dans une zone éligible et réalisent des travaux de rénovation à des fins de location (dispositif « Denormandie »).
Le dispositif s’applique aux opérations réalisées entre le 1er janvier 2019 et le 31 décembre 2023.
Le projet de loi de finances prévoit de proroger le dispositif d’une année pour inclure les opérations réalisées jusqu’au 31 décembre 2024.
Parahôtellerie : mise en cohérence avec la directive TVA (art. 10 ter)
Rappelons que dans un avis en date du 5 juillet 2023, le Conseil d’état a considéré que le régime des prestations parahôtelières était partiellement incompatible avec la directive TVA (CE, 3°-8° ch. réunies, 5 juillet 2023, n° 471877).
Dans ce contexte, le projet de loi de finances prévoit d’intégrer une distinction entre deux catégories de locations.
Ainsi, seraient soumises à la TVA :
- D’une part, les prestations d’hébergement fournies dans le cadre du secteur hôtelier ou de secteurs ayant une fonction similaire sous réserve de remplir les deux conditions cumulatives suivantes :
- les prestations doivent être offertes au client pour une durée n’excédant pas trente nuitées, sans préjudice des possibilités de reconduction proposées ;
- les prestations comprennent au moins trois des quatre services suivants : petit déjeuner, nettoyage régulier des locaux, fourniture de linge de maison et réception, même non personnalisée, de la clientèle (NB : cette liste est identique à celle du texte actuelle).
- D’autre part, les autres « locations de logements meublés à usage résidentiel », si elles sont assorties de trois des quatre prestations de services susvisées.
En pratique, la modification prévue par le projet de loi de finances serait une réécriture du texte actuel qui, sans modifier le régime en vigueur, le conformerait à la directive TVA.
Nous renvoyons le lecteur à notre analyse détaillée publiée sur le blog (cf. TVA et location meublée : parahôtellerie, co-living, résidences services, Airbnb … un amendement gouvernemental pour sécuriser le secteur ?).
Taxes d’urbanismes : plusieurs ajustements (art. 16 quinquies)
L’article 16 quinquies du projet de loi de finances prévoit notamment :
- d’aligner le régime d’exonération de la taxe d’archéologie préventive sur celui de la taxe d’aménagement en matière de création de surfaces de stationnement aménagées au-dessus ou en-dessous des immeubles ou intégrées au bâti, dans un plan vertical de sorte que ces surfaces seraient également exonérées de la taxe d’archéologie préventive. Seront éligibles à cette exonération, les opérations dont le fait générateur de la taxe intervient à compter du 1er janvier 2024;
- d’harmoniser les méthodes de revalorisation annuelle des valeurs forfaitaires par mètre carré de surface de construction retenues en matière de taxe d’aménagement. Cette mesure permettrait d’intégrer les autorisations de construire accordées à compter du 1er janvier 2024 faisant suite à une demande d’autorisation initiale déposée avant le 1er septembre 2022 dans le champ du dernier alinéa de l’article 1635 quater H du CGI.
Droits de mutation à titre onéreux : nouvelle obligation déclarative pour les cessions de titres de sociétés à prépondérances immobilières (art. 23 ter)
Le projet de loi de finances introduit une obligation déclarative applicable à compter du 1er janvier 2024 visant à informer l’administration fiscale si :
- les droits sociaux cédés sont afférents à une société transparente au sens de l’article 1655 ter du CGI ;
- les participations cédées confèrent au cessionnaire, direct ou indirect, le droit à la jouissance d’immeuble ou de fraction d’immeubles au sens de l’article 718 du CGI ;
- le cessionnaire a acquitté ou s’engage à acquitter des dettes contractées auprès du cédant par cette personne morale, en précisant, le cas échéant, leur montant.
Selon les auteurs de ce texte, cette obligation déclarative a pour objet de lutter contre les pratiques de minoration et de contournement des droits de mutation à titre onéreux.