Lorsque la destination d’un immeuble ne peut, en raison de son ancienneté, être déterminée par les indications figurant dans une autorisation d’urbanisme ni, à défaut, par des caractéristiques propres ne permettant qu’un seul type d’affectation, il appartient au juge administratif d’apprécier celle-ci en se fondant sur l’ensemble des circonstances de fait de l’espèce.
Pour apprécier un changement de destination, le Conseil d’Etat a posé le principe selon lequel « le maire doit prendre en compte la destination initiale du bâtiment ainsi que, le cas échéant, tout changement ultérieur de destination qui a fait l’objet d’une autorisation » (CE, 12 mars 2012, n° 336263, Cne Ramatuelle).
La situation de droit – celle résultant d’une autorisation d’urbanisme – doit donc prévaloir sur la situation de fait – l’usage effectif des locaux – pour qualifier la destination de référence d’une construction.
Demeure alors la question de savoir comment doit être qualifiée la destination d’une construction trop ancienne pour avoir fait l’objet d’un permis de construire. Dans une telle hypothèse, c’est l’usage de fait qui devra être pris en considération.
Deux cas de figure peuvent alors se produire :
- soit l’usage de la construction a été conservé depuis l’origine et il y a lieu de retenir comme destination de référence celle correspondant à cet usage, sauf cas d’abandon de longue date de cet usage (CE, 28 déc. 2018, n° 408743, Lugagne-Delpon) ;
- soit l’usage d’origine de la construction a été modifié par la suite et la qualification de la destination dépendra d’un certain nombre de circonstances telles que l’époque à laquelle cette transformation a eu lieu ou celles tenant aux caractéristiques physiques de la construction (voir notamment : CE, 20 mai 1996, n° 125012, Auclerc – CE, 9 déc. 2011, n° 335707, M. Riou – CE, 30 juill. 2014, n° 367611 – CE, 8 févr. 2017, n° 398360, min. Logement et Habitation durable – CE, 10 juill. 2019, n° 419795).
L’arrêt ici commenté, mentionné dans les tables du recueil Lebon, complète cette construction jurisprudentielle, en venant répondre à l’hypothèse dans laquelle la destination d’un immeuble ne peut, en raison de son ancienneté, être déterminée par les indications figurant dans une autorisation d’urbanisme ni, à défaut, par des caractéristiques propres ne permettant qu’un seul type d’affectation. Dans ce cas, le Conseil d’Etat retient qu’ « il appartient au juge administratif devant lequel la destination en cause est contestée d’apprécier celle-ci en se fondant sur l’ensemble des circonstances de fait de l’espèce ».
En l’espèce, les locaux avaient été construits à la fin du 19ème siècle et initialement utilisés par une imprimerie. La cour administrative d’appel de Paris a relevé que ces locaux avaient par la suite été utilisés par l’Ecole des hautes études en sciences sociales (EHESS), établissement d’enseignement supérieur, entre 1984 et 2015, pour y accueillir deux unités de recherche, un service éditions, une bibliothèque, des services administratifs et des espaces de stockage.
Ce faisant, la Haute juridiction en a déduit que c’est par une appréciation souveraine que la cour administrative d’appel a pu juger, sans commettre d’erreur de droit, que ces locaux avaient perdu leur destination industrielle initiale et, compte tenu de leur utilisation suffisamment établie, qu’ils relevaient de la destination des CINASPIC telle que définie par le règlement du PLU de Paris.
Conseil d’Etat, 10ème -9ème chambres réunies, 8 juillet 2024, n° 475635