Le décret n° 2021-1345 du 13 octobre 2021 publié au Journal Officiel du 15 octobre 2021 modifie, en application de l’article 40 de la loi n° 2020-1525 du 7 décembre 2020 d’accélération et de simplification de l’action publique, les modalités d’assujettissement des documents d’urbanisme et des unités touristiques nouvelles (UTN) à la procédure d’évaluation environnementale.
Ce décret, très attendu, tend à combler un vide juridique occasionné par les décisions du Conseil d’État du 19 juillet 2017 (annulant les articles R. 104-1 à R. 104-16 du code de l’urbanisme en tant qu’ils n’imposent pas la réalisation d’une évaluation environnementale dans tous les cas où les évolutions du document local d’urbanisme sont susceptibles d’avoir des incidences notables sur l’environnement – n° 400420) et du 26 juin 2019 (annulant le décret n° 2017-1039 du 10 mai 2017 en tant qu’il ne soumet pas à évaluation environnementale la création ou l’extension des UTN soumises à autorisation préfectorale – n° 414931).
Le champ d’application de l’évaluation environnementale
Tout d’abord, le décret modifie le champ d’application de l’évaluation environnementale de différents documents d’urbanisme : le schéma d’aménagement régional (SAR – art. 4), le plan d’aménagement et de développement durable de Corse (PADDUC – art. 4), le schéma de cohérence territoriale (SCOT – art. 5), le plan local d’urbanisme (PLU – art. 6) et la carte communale (art. 7).
S’agissant particulièrement des procédures d’élaboration et d’évolution du PLU, nous renvoyons au tableau annexé au présent article. Soulignons en synthèse que, désormais, seules les procédures de modification du PLU ayant pour seul objet de réduire la surface d’une zone urbaine ou à urbaniser ou de rectifier une erreur matérielle sont désormais dispensées d’évaluation environnementale (systématique ou après un examen au cas par cas).
Ensuite et s’agissant des UTN, le décret soumet à évaluation environnementale systématique la création et l’extension des UTN soumises à autorisation, lorsqu’elles permettent la réalisation de travaux, aménagements, ouvrages ou installations susceptibles d’affecter de manière significative un site Natura 2000 (art. R. 104-17-1 du code de l’urbanisme).
S’agissant des UTN structurantes situées dans des communes non couvertes par un SCOT (art. L. 122-20 al. 2 du code de l’urbanisme), le décret fixe d’autres hypothèses dans lesquelles leur création et leur extension font l’objet d’une évaluation environnementale systématique, notamment lorsqu’elles concernent les opérations visées aux 1°, 5°, 7° et 8° de l’article R. 122-8 du code de l’urbanisme (art. R. 104-17-2 1° du code de l’urbanisme).
S’agissant des UTN locales situées dans des communes non couvertes par un PLU (art. L. 122-21 al. 2 du code de l’urbanisme), leur création et leur extension sont soumises à un examen au cas par cas réalisé par la personne publique responsable lorsqu’elles n’ont pas pour effet de permettre la réalisation d’interventions susceptibles d’affecter de manière significative un site Natura 2000 (art. R. 104-17-2 2° du code de l’urbanisme).
La procédure d’évaluation environnementale
L’article R. 104-21 modifié du code de l’urbanisme dispose que l’autorité environnementale compétente est la formation d’autorité environnementale du Conseil général de l’environnement et du développement durable (CGEDD) s’agissant des SCOT, PLU, cartes communales et UTN soumises à autorisation lorsque leur périmètre excède les limites territoriales d’une région. Dans les autres cas, la mission régionale d’autorité environnementale du CGEDD est compétente.
L’autorité environnementale est saisie d’un dossier comprenant (i) le projet de document, (ii) le rapport environnemental lorsque le document ne comporte pas de rapport de présentation, et (iii) les avis rendus sur le projet de document à la date de sa saisine (art. R. 104-23 du code de l’urbanisme). Elle dispose d’un délai de trois mois à compter de la réception de ce dossier pour formuler son avis sur le rapport de présentation ou le rapport environnemental et sur le projet de document (art. R. 104-25 du code de l’urbanisme).
En matière d’examen au cas par cas, le décret opère une modification notable de la procédure jusqu’alors applicable.
Désormais, deux procédures alternatives d’examen au cas par cas – réalisé soit par l’autorité environnementale, soit par la personne publique responsable du document – sont organisées par le code de l’urbanisme. Leur champ d’application respectif est déterminé par le décret, selon les procédures d’élaboration ou d’évolution des documents d’urbanisme engagées. A titre d’exemple, les révisions et modifications du PLU soumises à examen au cas par cas sont assujetties à la procédure relevant de la personne publique responsable, et non de l’autorité environnementale (voir le tableau annexé au présent article).
S’agissant tout d’abord de l’examen au cas par cas réalisé par l’autorité environnementale, le dossier doit comprendre une description des caractéristiques principales du document et de la zone susceptible d’être touchée par la mise en œuvre du document, et des principales incidences sur l’environnement et la santé humaine de la mise en œuvre du document. Le décret prévoit que ce dossier est transmis « à un stade précoce et [le cas échéant] avant la réunion d’examen conjoint » portant sur le projet de document, ou « avant la soumission pour avis aux personnes publiques associées » (art. R. 104-29 du code de l’urbanisme).
L’autorité environnementale dispose d’un délai de deux mois à compter de sa réception pour notifier à la personne publique responsable sa décision motivée de soumettre ou non à évaluation environnementale la procédure d’évolution du document (art. R. 104-31 du code de l’urbanisme).
S’agissant ensuite de l’examen au cas par cas réalisé par la personne publique responsable, créé par le décret et régi par les articles R. 104-33 à R. 104-37 du code de l’urbanisme, il revient à la personne publique responsable d’apprécier si la procédure engagée est susceptible d’avoir des incidences notables sur l’environnement et, partant, s’il y a lieu de réaliser une évaluation environnementale. Dans l’affirmative, elle prend la décision de réaliser une telle évaluation, sans consulter l’autorité environnementale sur l’opportunité d’une telle évaluation. Si elle considère au contraire qu’il n’y a pas lieu de réaliser une évaluation environnementale, la personne publique responsable doit saisir – à un stade précoce – l’autorité environnementale pour avis conforme et, au vu de cet avis, prendre une décision relative à la réalisation ou non d’une évaluation environnementale.
Dans ces conditions, soit l’évaluation environnementale est réalisée ab initio à l’initiative de la personne publique responsable, soit l’autorité environnementale se prononce – dans un délai de deux mois à compter de la réception initiale du dossier – sur l’absence de nécessité de réaliser une évaluation environnementale. Cet avis conforme liera la décision de la personne publique responsable. Précisons qu’en l’absence de réponse dans le délai de deux mois, l’avis est réputé favorable (i.e. l’autorité environnementale est réputée souscrire aux raisons pour lesquelles le projet ne serait pas susceptible d’avoir des incidences notables sur l’environnement et, par conséquent, ne requerrait pas la réalisation d’une évaluation environnementale).
Selon le ministère de la Transition écologique, « la création de cette procédure de cas par cas permettra une meilleure appropriation des enjeux liés aux impacts environnementaux par la collectivité territoriale en charge du document d’urbanisme, une meilleure maîtrise des délais de procédure et donc une certaine maîtrise des coûts » (cf. Synthèse de la consultation du public sur le projet de décret).
Par ailleurs, en application de l’article R. 104-38 du code de l’urbanisme, les documents soumis à évaluation environnementale visés aux articles L. 104-1, L. 104-2 et L. 104-2-1 du même code peuvent faire l’objet des procédures communes et coordonnées prévues par le code de l’environnement.
Enfin, lorsque les plans ou documents soumis à évaluation environnementale ont été adoptés ou autorisés, l’autorité compétente en informe le public, l’autorité environnementale et, le cas échéant, les autorités consultées en application de l’article L. 104-7 du code de l’urbanisme (i.e. dans le cadre des consultations transfrontalières). Le plan ou le document est mis à leur disposition ; il comporte notamment des indications relatives à la manière dont il a été tenu compte des consultations auxquelles il a été procédé et les motifs ayant fondé les choix opérés (art. R. 104-39 du code de l’urbanisme).
L’articulation entre la procédure d’évaluation environnementale et l’instruction de l’autorisation d’urbanisme
Lorsque l’autorité compétente pour délivrer l’autorisation d’urbanisme est saisie par le maître d’ouvrage d’un projet subordonné à déclaration d’utilité publique ou déclaration de projet dans le cadre d’une procédure d’évaluation environnementale unique, le délai d’instruction de la demande de permis de construire ou d’aménager court à compter de la date à laquelle la décision de mise en compatibilité d’un document d’urbanisme est exécutoire ou, si plusieurs de ces documents doivent être mis en compatibilité, de la date à laquelle la dernière décision de mise en compatibilité est exécutoire (art. R. 423-21-1 du code de l’urbanisme ; art. 22 du décret).
En ce cas, le délai d’instruction de la demande ne court donc pas à compter de la réception en mairie du dossier complet (art. R. 423-19 du code de l’urbanisme).
Le décret prévoit que l’autorité chargée de la procédure de mise en compatibilité informe l’autorité compétente pour délivrer le permis de la date à laquelle la décision de mise en compatibilité (ou la dernière décision de mise en compatibilité) est exécutoire, dans un délai de huit jours.
L’entrée en vigueur du décret
Le décret est entré en vigueur le lendemain de sa publication, soit le 16 octobre 2021, et s’applique aux procédures d’élaboration et de révision des PLU pour lesquelles une décision de dispense d’évaluation environnementale est intervenue avant son entrée en vigueur.
En revanche, les autres procédures pour lesquelles une décision de l’autorité environnementale est intervenue au terme d’un examen au cas par cas (en application de l’article R. 104-28 du code de l’urbanisme) avant la date de son entrée en vigueur restent régies par les dispositions antérieurement applicables (art. 26 du décret).
A l’occasion de la consultation publique organisée en avril 2021 sur le projet de décret, certaines observations ont porté sur les dispositions transitoires du décret, afin que celui-ci n’ait vocation à s’appliquer qu’aux seules procédures engagées postérieurement à sa publication. En effet, certains contributeurs relevaient que l’entrée en vigueur immédiate du décret pourrait préjudicier aux procédures sur le point d’aboutir et n’ayant pas donné lieu à un examen de l’autorité environnementale.
Toutefois, selon le ministère de la Transition écologique, « il est recommandé [depuis la décision du Conseil d’État du 19 juillet 2017] aux communes et aux EPCI compétents en matière de PLU, pour toutes les procédures d’évolution de documents d’urbanisme de saisir volontairement l’autorité environnementale afin qu’elle examine au cas par cas si la procédure est soumise ou non à évaluation environnementale dans l’attente des dispositions réglementaires modificatives. Cette recommandation a été suivie puisqu’il résulte du dernier rapport d’activité de l’AE et MRAE 2019 que le nombre de saisines a quadruplé concernant les PLUi et a augmenté de 20% pour les PLU entre 2018 et 2019, année de pleine mise en œuvre de la recommandation » (cf. Synthèse de la consultation du public sur le projet de décret). Dans ces conditions, il n’a pas été jugé utile de modifier les dispositions du décret sur ce point.