Par un arrêt du 30 mai 2024, la Cour de cassation vient parachever la construction jurisprudentielle du contentieux du loyer de renouvellement du bail commercial lorsque ce loyer est binaire (composé d’une part fixe et d’une part variable).
Pour mémoire, la Haute juridiction a déjà fixé plusieurs règles relatives à la fixation du loyer de renouvellement en présence d’un loyer binaire :
- d’abord, elle a jugé que la fixation du loyer d’un bail commercial renouvelé comportant une part variable n’était régie que par la volonté des parties (Cass., 3e civ., 10 mars 1993, n° 91-13.418 – jurisprudence « Théâtre Saint Georges ») ;
- ensuite, elle a considéré que le juge des loyers commerciaux ne pouvait que constater l’accord des parties sur un nouveau prix, s’il existait, et qu’en absence d’un tel accord, il lui appartenait de rejeter les demandes en fixation du prix du bail renouvelé, le bail étant alors renouvelé à l’ancien prix (3e Civ., 7 mai 2002, n° 00-18.153) ;
- enfin, elle a retenu qu’un loyer comportant une part minimale et une part variable n’interdisait pas, lorsque le contrat le prévoit, de recourir au juge des loyers pour évaluer la valeur locative déterminant la part minimale garantie lors du renouvellement (Cass., 3e civ., 3 nov. 2016, n°15-16.826 – Cass., 3e civ., 29 nov. 2018, n° 17-27.798).
L’arrêt du 30 mai 2024 ajoute que l’absence de clause prévoyant expressément le recours au juge des loyers commerciaux ne traduit pas systématiquement une volonté commune des parties d’exclure la fixation judiciaire du loyer du bail renouvelé. Il appartient alors au juge des loyers commerciaux de rechercher cette volonté commune contraire, soit dans le contrat, soit dans des éléments extrinsèques.
Cet arrêt apporte en outre deux enseignements sur le plan du contentieux :
- l’article R. 145-23 du code de commerce étant applicable à toute demande en fixation du prix d’un bail renouvelé sans exclusion des baux prévoyant un loyer avec une part variable, le moyen par lequel une partie à un bail commercial s’oppose à une demande en fixation du loyer du bail renouvelé à la valeur locative au motif que les parties sont convenues d’un loyer comprenant une part variable, sans prévoir de recours au juge des loyers commerciaux pour fixer la part fixe ou le minimum garanti à la valeur locative, s’analyse en une défense au fond et non en une fin de non-recevoir ;
- le fait que toute contestation sur loyer du bail renouvelé ne se résolve pas par une fixation judiciaire à la valeur locative et puisse aboutir au maintien du loyer antérieur ne méconnaît pas le droit d’accès au tribunal consacré par l’article 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales mais procède de l’autonomie de la volonté des parties.