Par un arrêt du 25 janvier 2024, la Cour de cassation affirme qu’une mise en demeure préalable du bailleur n’est pas nécessaire pour qu’un locataire résilie unilatéralement son bail commercial sur le fondement de l’inexécution grave des obligations du bailleur, dès lors qu’il résulte des circonstances que cette mise en demeure est vaine.
En l’espèce, un bailleur avait consenti à une société locataire trois baux commerciaux sur des locaux dépendant d’un même immeuble. Quelques mois plus tard, la locataire a quitté les biens donnés à bail et a cessé le paiement des loyers. Par lettre recommandé avec demande d’avis de réception, le locataire a justifié son départ par les agissements du gérant de la société bailleresse lui reprochant de s’être régulièrement introduit dans les locaux loués et d’y avoir eu des comportements déplacés envers plusieurs de ses salariées.
La bailleresse a assigné la locataire en paiement des loyers postérieurs au départ de celle-ci. La locataire a reconventionnellement sollicité le prononcé de la résiliation des baux à effet de la date de son départ.
La Cour d’appel a retenu que le comportement déplacé et inapproprié du gérant de la société bailleresse à l’égard des salariées de la société locataire était de nature à porter atteinte à la jouissance paisible des locaux loués. Ces éléments justifiaient ainsi la résiliation du bail sans qu’il puisse être exigé une mise en demeure préalable. La société bailleresse s’est alors pourvue en cassation.
La troisième chambre civile de la Cour de cassation rappelle que la résolution résulte soit d’une clause résolutoire soit, en cas d’inexécution suffisamment grave, d’une notification du créancier au débiteur ou d’une décision de justice (article 1224 du Code civil). Si le créancier résout ainsi le contrat par voie de notification, il le fait à ses risques et périls et doit, sauf urgence, préalablement mettre en demeure le débiteur défaillant de satisfaire à son engagement dans un délai raisonnable (article 1226 du Code civil).
La Cour de cassation rejette cependant le pourvoi formé par le bailleur au motif que, la Cour d’appel ayant établi que le comportement du dirigeant de la société bailleresse était d’une gravité telle qu’il avait rendu manifestement impossible la poursuite des relations contractuelles, une mise en demeure préalable, qui eut été vaine, n’était pas nécessaire pour résilier le bail.
La troisième chambre civile de la Cour de cassation applique ainsi au bail commercial la solution déjà récemment affirmée en matière de contrats de prestations de services dans un arrêt de la chambre commerciale (Com., 18 octobre 2023, pourvoi n°20-21.579).